11/08/2020

Protection de la forme d’un vélo pliable par le droit d’auteur : la CJUE précise les conditions de la protection

Dans un arrêt rendu récemment, la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a eu l’occasion de se prononcer sur la protection de la forme des produits par le droit d’auteur (CJUE, C-833/18, 11 juin 2020, Brompton Bicycle Ltd v. Chedech/Get2Get).

 

Le litige au principal oppose la société anglaise Brompton, qui commercialise des vélos pliables sur lesquels portait un brevet désormais expiré, à la société Get2Get, qui commercialise un vélo dont l’aspect visuel est très semblable à celui commercialisé par Brompton. Les deux vélos peuvent occuper trois positions différentes : ils peuvent être dépliés, pliés ou encore, dans l’entre-deux, en position intermédiaire, afin que le vélo puisse rester en équilibre sur le sol.

 

Brompton a saisi les juridictions belges afin que celles-ci constatent, notamment, que les vélos Get2Get portent atteinte au droit d’auteur que Brompton détiendrait sur son vélo. En défense, Get2Get a fait valoir que l’apparence du vélo Brompton est imposée par la solution technique recherchée, qui est de faire en sorte que ce vélo puisse occuper trois positions différentes. Or, l’apparence d’un produit ne pouvant être protégée lorsqu’elle est imposée par une solution technique visée, elle estimait que Brompton ne pouvait détenir de droits d’auteur sur son vélo et que par conséquence, elle n’avait pas commis d’atteinte aux droits d’auteur de Brompton, ceux-ci n’existant pas.

 

Saisies du litige, les juridictions belges ont sursis à statuer afin de demander à la CJUE si, d’une part, une œuvre dont la forme est nécessaire afin d’aboutir à un résultat technique peut être protégée par le droit d’auteur, et, d’autre part, quels sont les critères qui permettent d’apprécier le caractère nécessaire d’une forme afin d’aboutir à un résultat technique.

 

Tout d’abord, la CJUE a rappelé qu’une œuvre est un objet original qui doit être une création intellectuelle propre à son auteur et exprimer la personnalité de celui-ci. Par conséquent, pour qu’un objet soit considéré comme original et protégeable par le droit d’auteur, il est nécessaire, mais suffisant, qu’il reflète la personnalité de son auteur.

 

Ensuite, la CJUE a précisé que lorsque la réalisation d’un objet a été déterminée par des considérations techniques ou par d’autres contraintes n’ayant pas laissé de place à l’exercice d’une liberté créative de l’auteur, l’objet en question ne peut être protégé par le droit d’auteur.

 

Enfin, la CJUE affirme qu’un objet original peut bénéficier de la protection conférée par le droit d’auteur, même si la réalisation de celui-ci a été déterminée par des considérations techniques, si celles-ci n’ont pas empêché l’auteur de faire refléter sa personnalité dans cet objet, en manifestant des choix libres et créatifs.

 

Appliquant son analyse au vélo Brompton, la CJUE estime qu’il est vrai que la forme du vélo est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique (les trois positions de pliage). Néanmoins, cela n’empêche pas d’exclure per se toute protection par le droit d’auteur : il convient de vérifier in concreto si la forme du vélo manifeste, ou non, la personnalité de son concepteur.

 

Il reste donc aux juridictions belges de déterminer si le vélo pliable Brompton comporte l’empreinte de la personnalité de son auteur. A suivre !

 

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