Selon le Comité d’abus de droit, ne constitue pas un abus de droit le rachat par une société, préalablement à sa dissolution, des titres de son actionnaire unique dans le but de le faire bénéficier du régime des plus-values
Dans quelles circonstances un rachat de titres doit-il être considéré comme constitutif d’un abus de droit visant à contourner la taxation à 30% d’une distribution de dividendes pour bénéficier d’un taux effectif d’imposition plus attractif des plus-values éligibles à des abattements ? En synthèse, telle est la question régulièrement portée devant le comité de l’abus de droit, qui a esquissé au fil des nombreux avis rendus ces dernières années une grille d’analyse par faisceau d’indices nécessitant l’observation de plusieurs critères (e.g., contexte économique de l’opération, fréquence de réalisation, incidence sur la géographie du capital social, etc.) permettant d’apprécier l’absence ou l’existence d’un abus de droit.
En l’occurrence, les faits de l’affaire portée devant le comité de l’abus de droit étaient les suivants : une SARL exerçait une activité de mise à disposition d’appareils de mise en forme, exploitait une salle de sport, et détenait une filiale exploitant également une salle de sport. A dix jours d’intervalle, la SARL a cédé l’intégralité des titres de sa filiale et son fonds de commerce d’exploitation de salle de sport (elle n’a donc conservé que son activité de mise à disposition d’appareils). Huit jours plus tard, l’unique associée de la SARL a décidé de procéder à une réduction de capital de la SARL par rachat de 90% de ses propres titres. La plus-value de rachat déclarée (environ 660.000 euros) a été imposée au barème progressif de l’IR après application de l’abattement fixe pour départ à la retraite de 500.000 euros (art. 150-0 D ter du CGI). Enfin, quatorze mois plus tard, l’associé unique décide de procéder à la dissolution anticipée de la SARL et à sa liquidation amiable, qui s’achève par la perception d’un boni de liquidation (environ 40.000 euros), soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30%.
À l’issue d’un contrôle sur pièce, l’administration fiscale a considéré que l’opération était constitutive d’un abus de droit, au motif que le rachat de titres avait pour objectif la recherche d’une application littérale des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI – qui prévoit que les sommes perçues à l’occasion d’un rachat de titres relèvent du régime fiscal des plus-values – exclusivement dans le but fiscal de soustraire la majorité des sommes perçues au prélèvement forfaitaire unique de 30%.
Saisi par la contribuable, le Comité de l’abus de droit a estimé que l’administration fiscale ne rapportait pas la preuve que l’associée unique avait pour objectif de retarder la dissolution de sa société uniquement dans le but exclusivement fiscal de soumettre l’actif au régime des plus-values plutôt qu’à celui de la distribution de revenus, ni que le montage était artificiel, et en a par conséquent conclu à l’absence d’abus de droit.
Faisant écho à une jurisprudence bien établie et des avis qu’il avait lui-même rendus précédemment, le Comité rappelle en préambule que l’appréhension par l’associée des sommes versées à l’occasion du rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’il aurait ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier des sommes issues des réserves de la société, et que l’administration ne peut pas soutenir le contraire sans démontrer l’artificialité du montage.
Au-delà de ce rappel toujours utile, le Comité évoque également le caractère ponctuel de cette opération de rachat et, surtout, accorde une certaine importance au fait qu’à la date du rachat rien ne permettait d’établir l’intention de l’associée unique de mettre fin à l’activité de la SARL. Bien qu’il n’y fasse qu’une rapide allusion, il semble en effet que la poursuite par la SARL de son activité de mise à disposition de matériel de mise en forme ait pesé dans la balance, même si celle-ci n’a perduré que quelques mois (on peut toutefois légitimement se demander si l’avis du Comité aurait été similaire si l’écart de quatorze mois entre le rachat et la décision de dissoudre la société avait été plus restreint).
Cet avis favorable au contribuable rappelle ainsi qu’habileté fiscale et abus de droit ne sont pas synonymes, et que l’administration fiscale ne peut remettre en cause les effets fiscaux d’une opération en invoquant l’abus de droit sans faire la démonstration de l’artificialité de ladite opération. Rappelons cependant que les avis du Comité de l’abus de droit, tout riches d’enseignements qu’ils soient, ne sont pas contraignants pour l’administration fiscale, qui a d’ailleurs décidé dans cette affaire de ne pas se ranger à l’avis du Comité. Cette volonté de poursuivre le contentieux illustre bien le regard que l’administration fiscale porte sur ce type d’opérations et appelle à la prudence, d’autant plus que la présence d’abus tient parfois à peu de choses en la matière. On ne saurait par conséquent trop recommander d’analyser la faisabilité de telles opérations avant de les mettre en œuvre ; nos équipes sont à votre disposition pour vous fournir toute assistance à ce sujet.
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