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07/09/2023

L’adoption des décisions collectives par une minorité contre une majorité, au sein d’une SAS

 Cour d’appel de Paris, 4 avril 2023, n° 22/05320

Une assemblée générale extraordinaire est réunie en vue de se prononcer sur une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription des associés. Les statuts stipulaient que cette résolution devait être adoptée à la majorité du tiers des droits de vote des associés présents ou représentés.

La résolution recueille 46 % de voix pour et 54 % de voix contre. Conformément aux statuts, la résolution est adoptée.  

Les associés majoritaires assignent la société et ses associés en annulation de la délibération de l’assemblée générale et en annulation des statuts fixant la majorité. Leur demande est déclarée irrecevable en première instance et en appel.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel mais seulement en ce qu’il déboute les associés de leur demande en annulation de la délibération de l’assemblée générale. La Cour rappelle, au visa de l’article L227-9 du code de commerce, que les associés d’une SAS ont une grande liberté pour déterminer dans les statuts la majorité exigée pour adopter des résolutions. Cependant, cette liberté statutaire ne leur permet pas d’adopter des résolutions à la minorité des voix, d’autant plus que la majorité des voix s’y oppose. Dès lors, pour la Cour de cassation, « la liberté des associés trouve sa limite dans la nécessite d’instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires ».

La Cour d’appel de Paris, saisie sur renvoi après cassation, résiste pourtant à la position de la Cour de cassation au motif que les conditions d’adoption des décisions « ne prévoient pas l’adoption des décisions collectives selon une règle de majorité, nonobstant le terme maladroitement emprunté, mais selon une condition de seuil, la résolution soumise au vote étant adoptée dès que le seuil du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, est atteint ». Dès lors, pour la Cour d’appel de renvoi, « une telle condition de seuil pour adopter une résolution ne peut pas être remplie simultanément par ses partisans et ses adversaires puisque l’article 17 des statuts ne prévoit pas de condition de rejet de la résolution ».

Face à cette position de la Cour d’appel, il est probable qu’un pourvoi soit formé et que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation ait à statuer.