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12/10/2022

Affaire Laporte/Altrad : fin du procès 

Annoncé depuis le début de l’année, le procès de Bernard Laporte devant le Tribunal correctionnel de Paris s’est déroulé du 7 au 22 septembre dernier.

Le Parquet national financier (PNF) avait décidé de poursuivre le président de la Fédération française de rugby (FFR), Bernard Laporte, du chef de cinq infractions : prise illégale d’intérêts ; trafic d’influence passif par un agent public ; corruption passive par personne chargée d’une mission de service public ; recel d’abus de biens sociaux ; et abus de confiance.

Ont également été jugés à ses côtés, le propriétaire et président du club de rugby de Montpellier (MHR) et principal sponsor du maillot du XV de France, Mohed Altrad, le vice-président de la FFR, Serge Simon, l’ex-patron du Groupement d’intérêt public France 2023, qui organise la Coupe du monde 2023, Claude Atcher, et le gérant de la société Sport XV et bras droit de Claude Atcher, Benoît Rover.

Mais quels sont exactement les faits reprochés à Bernard Laporte ?

La Brigade des répressions de la délinquance économique (BRDE) a remis un rapport au PNF qui met en lumière plusieurs éléments.

Un contrat d’image

En février 2017, les sociétés BL Communication et Altrad Investment Authority, respectivement dirigées par Bernard Laporte et Mohed Altrad, ont conclu un contrat d’image.

Il est reproché à l’ancien secrétaire d’État aux Sports de Nicolas Sarkozy, qui attestait que la FFR n’entretenait aucun lien avec des sociétés dans lesquels il détenait des participations financières, d’avoir gardé cet accord secret, alors que la société de Mohed Altrad est détentrice d’un club de rugby et co-contractante de la FFR. D’autre part, la valeur du contrat (pour un montant de 150.000 euros) aurait été surévaluée et la prestation due par BL Communication n’aurait pas été exécutée.

En contrepartie, Bernard Laporte serait venu en aide à Mohed Altrad et à son club à plusieurs reprises.

Intervention de la FFR en faveur du groupe Altrad pour le rachat du club de Gloucester

Déjà en 2016, alors que le Gloucester Rugby était à vendre, Bernard Laporte aurait pratiqué du lobbying auprès de différentes instances du rugby international en faveur de Mohed Altrad, qui souhaitait en acquérir le contrôle.

Bien que ce rachat n’ait pas été suivi d’effet, le comportement de Bernard Laporte devrait être examiné de près par les juges.

Des appels avec la Commission d’appel de la FFR

En juin 2017, le MHR faisait appel d’une sanction imposée par la commission de discipline de la Ligue Nationale de Rugby (LNR) en raison du déploiement, par des supporteurs montpelliérains, de banderoles hostiles à la ligue.

Les travaux des enquêteurs soulignent que la décision de la commission disciplinaire d’appel aurait dans un premier temps confirmé la peine (70.000 euros d’amende et un match à huis clos), puis l’aurait réduit le lendemain (à 20.000 euros d’amende seulement).

Le même jour, Bernard Laporte aurait téléphoné à sept reprises au président de la commission disciplinaire d’appel, Jean-Daniel Simonet.

Si les faits ne sont pas contestés, Bernard Laporte dément toute pression, tandis que Jean-Daniel Simonet rappelle le caractère indépendant de la commission.

Un contrat de sponsoring

C’est aussi en 2017 que la FRR a choisi son nouvel équipementier du maillot du XV de France, Altrad Investment Authority, pour un montant de 6,8 millions d’euros.

Pourtant, Serge Simon avait proposé à d’autres partenaires potentiels une offre à 9,9 millions d’euros.

Les enquêteurs s’interrogent sur l’existence d’une priorité donné à la société dont Mohed Altrad est président, au détriment de ses concurrents, et au terme d’une procédure trop rapide, sans publicité ni transparence suffisante.

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Les faits reprochés sont sérieux et le rapport de la BRDE servant de support pour l’accusation est particulièrement accablant. Les sanctions encourues par les prévenus sont lourdes. Le PNF a requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, 50.000 euros d’amende et deux ans d’interdiction d’exercer toute fonction en lien avec le rugby, contre Bernard Laporte. Mohed Altrad risque les mêmes peines avec, cependant, une amende de 200.000 euros et une interdiction de gérer une société commerciale. Pour les autres prévenus, les peines de prison sont moins lourdes, mais ils risquent également une interdiction d’exercer des fonctions dans le monde du rugby.

Le verdict, attendu le 13 décembre prochain, ne présage rien de bon pour l’image du rugby déjà entachée par les récents évènements.

En effet, le Groupement d’intérêt public (GIP) France 2023, organisateur du Mondial 2023, a démis officiellement de ses fonctions son Directeur Général Claude Atcher le 11 octobre dernier. Celui-ci, déjà mis à pied à titre conservatoire par le Ministère des Sports depuis fin août, avait d’abord fait l’objet d’une enquête de l’Inspection du travail suite à des reproches de management brutal. Si son comportement s’avérait contraires au droit du travail, il risque également des poursuites judiciaires de la part du Ministère et des salariés.

À un an du coup d’envoi de la Coupe du Monde 2023 et alors que les grandes figures du rugby français sont aux cœurs de divers scandales, l’incertitude demeure.