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12/07/2023

Hyperandrogénie : Nouvelle épisode dans la bataille judiciaire menée par Caster Semenya contre l’IAAF

Caster Semenya est une athlète femme ayant remporté de nombreuses médailles olympiques.

L’athlète a la spécificité d’être hyperandrogène, c’est-à-dire d’avoir un taux de testostérone plus élevé que la moyenne des femmes.

En 2018, l’IAAF (Fédération Internationale d’Athlétisme), établit un règlement concernant l’hyperandrogénie, imposant aux sportives concernées de prendre des médicaments pour faire baisser le taux de testostérones produit naturellement par leur corps.

Alors soutenue par le gouvernement sud-africain ainsi que par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans sa démarche, l’athlète sud-africaine dépose une première requête contre cette nouvelle réglementation.

Toutefois, sa requête échoue le 1er mai 2019. Le Tribunal Arbitral du Sport donne raison à l’IAAF et autorise sous conditions le traitement visant à diminuer le taux de testostérone. Madame Semenya fait alors appel de cette décision devant le tribunal fédéral suisse, qui valide     le dispositif de l’IAAF.

L’athlète est alors contrainte d’annoncer, le 30 juillet 2019, qu’elle renonce à participer aux Championnats du monde d’athlétisme prévus deux mois plus tard à Doha, au Qatar, puis aux Jeux olympiques en 2021.

En février 2021, Caster Semenya saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans le bras de fer qui l’oppose à la Fédération internationale d’athlétisme.

La requérante fonde sa demande, à titre principal, sur l’article 14 (interdiction de la discrimination) et sur l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, estimant avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire à raison de son hyperangrogénie.

En outre, elle fonde sa demande, à titre subsidiaire, sur l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ainsi que sur les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, se plaignant de la limitation du pouvoir de contrôle du Tribunal fédéral.

La CEDH, dans son arrêt rendu le 11 juillet 2023, accède à ses demandes et estime que l’athlète de 32 ans est victime de discrimination et que celle-ci n’a pas bénéficié en Suisse des garanties institutionnelles et procédurales suffisantes qui lui auraient permis de faire valoir ses droits de manière effective.

Si cette décision est importante sur le plan de la reconnaissance de la discrimination de l’hyperandrogénie, elle ne permet pas pour autant à Caster Semenya de reprendre immédiatement la compétition sans traitements. La Cour n’a en effet pas la compétence directe pour annuler les décisions des tribunaux helvètes, ou réformer le règlement Word Athletics de l’IAAF.

L’IAAF a déclaré qu’elle porterait l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH, afin d’obtenir l’infirmation de cette décision, et a d’ores et a pour l’instant annoncé le maintien de l’obligation de traitement, au nom d’une « protection de l’équité sportive ». 

De son côté, Caster Semenya peut saisir le Tribunal Fédéral Suisse d’une demande de révision de l’arrêt confirmant la sentence du Tribunal Arbitral du Sport et validant le règlement World Athletics. Selon le professeur Matthieu Maisonneuve, cette possibilité est ouverte par le droit suisse en cas de violation de la CEDH. Si le Tribunal Fédéral Suisse accède à sa demande, le Tribunal Arbitral pourrait ensuite juger illégal le règlement World Athletics, obligeant alors l’IAAF à modifier son règlement.

Le marathon judiciaire risque donc de se poursuivre durant une certaine période, au risque de priver Caster Semenya des Jeux Olympiques de Paris.