05/07/2017

Abandon de créance transfrontalier – non prise en compte de la législation étrangère

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 31 mars 2017, req.383129

Conseil d’Etat 31 mars 2017 n°383129, 9ème et 10ème chambres

Le Conseil d’Etat vient de réaffirmer le principe de l’indépendance du traitement fiscal d’une opération en France par rapport à celui qui lui est appliqué à l’étranger.

En l’espèce, la société française Senoble Groupe Service avait consenti à sa filiale britannique une avance, avant d’abandonner cette créance. Cette opération est qualifiée selon le droit comptable britannique d’augmentation de fonds propre pour la filiale, qui l’enregistre comme supplément d’apport mis en réserve. Pour la société mère française, l’abandon de créance avait été déduit fiscalement.

Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale française requalifie cette opération en apport en capital et réintègre le montant dans le résultat imposable de la société mère française. L’administration a ainsi suivi la qualification britannique de l’opération. Si le Tribunal administratif de Montreuil se positionne en faveur du contribuable, la Cour administrative d’appel de Versailles a repris la position de l’administration fiscale.

Pour qualifier l’opération d’apport, la Cour retient que, comme le droit comptable britannique l’exige, la créance abandonnée est venue alimenter un compte de réserves, qui ne constitue pas un compte de produits et n’affecte donc pas le résultat imposable. Dès lors, ce compte est, pour la Cour, un compte de fonds propres et la créance abandonnée constitue une augmentation de ceux-ci.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles, au motif que la Cour commet une erreur de droit en se fondant exclusivement sur l’appréciation étrangère de l’opération pour déterminer le traitement à lui appliquer en droit français. Il réaffirme ici l’indépendance du traitement fiscal de l’opération en France.

L’administration fiscale pensait pouvoir se fonder sur la jurisprudence SNC Immobilière GSE (CE 7 septembre 2009, n°303560), qui impliquait la prise en compte des contraintes de la législation étrangère pour apprécier l’opération en France. Ici le Conseil d’Etat nuance sa jurisprudence et refuse de valider la qualification donnée à une opération sur le seul fondement de la qualification donnée à l’étranger.