Absence d’effet rétroactif de l’agrément de l’héritier d’un associé
Faits
A la suite du décès de l’un des deux associés égalitaires d’une société à responsabilité limitée (SARL), son héritière a sollicité son agrément comme associé de la société conformément à l’article L. 223-13 du code de commerce, les statuts de la société prévoyant une obligation d’agrément pour les transmissions de parts sociales par voie de succession.
L’assemblée générale de la société, constituée uniquement de l’associé survivant, a refusé l’agrément de l’héritière, avant de ratifier la rémunération versée audit associé, par ailleurs gérant de la société.
Sur ordonnance du président du tribunal de commerce, le gérant a par la suite bénéficié d’un délai de six mois pour faire procéder à l’acquisition par la société des parts sociales du défunt, acquisition imposée à la suite du refus de l’agrément par l’article L. 223-14 du Code de commerce.
En l’absence de rachat dans ce délai, l’héritière considéra être devenue associée de la société avec effet rétroactif au jour du décès de l’associé, et assigna par conséquent la société et l’associé survivant en annulation des délibérations de l’assemblée générale durant toute la procédure d’agrément ainsi qu’en remboursement des sommes perçues par l’associé-gérant du fait de ces délibérations.
Procédure et analyse
Par un arrêt du 1er avril 2015, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a rejeté les prétentions de l’héritière, considérant que cette dernière n’est devenue associée qu’à la fin de la période d’agrément, sans que l’agrément dû à l’absence de rachat des parts sociales du défunt n’ait un effet rétroactif quelconque.
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 3 mai 2018 (pourvoi n° 15-20.851), rejette le pourvoi et valide en tous points le raisonnement de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion.
La Cour de cassation précise, par cette décision, que le régime de l’agrément à la suite du décès d’un associé est aligné sur celui de l’agrément intervenant dans le cadre d’une cession de parts ou d’actions, où le cessionnaire ne devient associé qu’une fois qu’il a été agréé par l’assemblée générale.
La conséquence, dans le cadre du décès d’un associé, est que les parts ou actions qu’il détenait sont « gelées » durant la procédure d’agrément, le défunt ne pouvant être considéré comme associé.
La Cour de cassation tire ensuite les conclusions de ce raisonnement : l’assemblée générale composée du seul associé survivant a été valablement tenue, les pouvoirs du gérant quant à la convocation de ladite assemblée ont été maintenus, et il ne lui appartenait pas de demander la nomination d’un mandataire pour le compte de la dévolution successorale le temps de la procédure d’agrément.
Il sera noté que la formulation adoptée par la Cour de cassation ne ferme pas la porte à toute demande de nomination d’un mandataire qui émanerait de l’héritier, bien qu’il pourrait être objecté qu’une telle nomination serait sans objet, dès lors que les parts sociales du défunt sont gelées et que l’héritier n’a pas la qualité d’associé : la désignation d’un mandataire est inutile faute d’un associé à représenter.