21/02/2018

Apport de titres et subvention : attention !

CAA Paris, 21 décembre 2017, n°17PA01635, Lafarge SA

La parité d’échange de l’opération d’apport de titres entre sociétés intégrées, calculée à la valeur comptable plutôt qu’à la valeur réelle, peut constituer une subvention devant être déclarée à l’administration, sous peine d’une amende égale à 5% de l’avantage consenti.

La société Lafarge SA a apporté à la société Sofimo, filiale détenue à 100%, les titres des sociétés Lafarge Ciment, détenue à 99,99%, et les titres de la société Lafarge Ciment Distribution, détenue à 99,77%. En rémunération de cet apport, la société Lafarge SA a reçu des titres de la société Sofimo.

Cette dernière a fait l’objet d’un contrôle fiscal à la suite duquel la société Lafarge, société mère d’un groupe intégré, a été condamnée à payer une amende.

En effet, au sein d’une intégration fiscale, les filiales établissent d’abord leur résultat propre tel qu’il aurait été si elles n’avaient pas fait partie d’un groupe. Le résultat d’ensemble consiste ensuite en la somme algébrique des résultats individuels des sociétés du groupe en tenant compte des rectifications qui doivent y être apportées au titre des opérations intragroupes. Enfin, ce résultat d’ensemble est taxé à l’impôt sur les sociétés dont la société mère est seule redevable.

Par ailleurs, un état des subventions consenties entre sociétés du groupe doit être joint à la déclaration du résultat d’ensemble : cette obligation déclarative, « dépourvue de toute incidence fiscale, a pour unique objet de permettre à l’administration (…) de suivre les mouvements financiers à l’intérieur du groupe ».

En l’espèce, les parties à l’apport ont utilisé la valeur comptable des titres pour calculer la parité d’échange. La valeur réelle correspond à la valeur des titres sur le marché tandis que la valeur comptable s’entend de la valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations, de sorte que cette valeur est, généralement, moindre que la valeur réelle.

Il en résulte que, en utilisant la valeur comptable pour le calcul de la parité d’échange, la société Lafarge a reçu moins de titres de la société Sofomi qu’en utilisant la valeur réelle des titres qu’elle a apportés. L’administration a estimé que l’écart entre la valeur réelle et la valeur comptable (d’environ 100 millions d’euros) constitue une subvention indirecte au bénéfice de la société Sofomi qui aurait dû être déclarée.

En l’absence de déclaration, une amende de 5% de cette somme a été mise à la charge de la société Lafarge SA.

La défense de la société Lafarge, selon laquelle (i) il n’y avait pas d’intention libérale ou d’acte anormal de gestion dans la mesure où la société apporteuse détenait avant l’opération 100% des actifs de la société bénéficiaire et (ii) les parties à l’opération se sont légitimement placées sous une dérogation prévue par la doctrine administrative qui permet, dans ce type de situation, de calculer la parité sur la base des valeurs comptables pour plus de facilité, a été écartée.

La Cour administrative d’appel de Paris considère que : « la société requérante ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que la doctrine administrative ne regarde pas les échanges de titres effectués dans les conditions susmentionnées comme des libéralités, de ce que les règles comptables ne s’opposent pas à de telles pratiques, et de ce que la loi fiscale n’impose pas que la parité d’échange soit calculée selon les valeurs réelles des titres échangés ».

La décision méritera d’être confirmée, s’agissant notamment de l’appréciation de l’existence d’une subvention. En tout état cause, la Cour administrative d’appel de Paris rappelle, dans cet arrêt inédit au recueil Lebon, l’importance des obligations formelles dont le non-respect peut entraîner des pénalités importantes, et la volonté affichée des services vérificateurs de redresser les entreprises sur des questions de forme.