03/08/2020

Atteinte à la liberté d’expression : nullité du licenciement sans examen des griefs invoqués par l’employeur

Cour d’appel de Versailles, 21ème chambre, 18 juin 2020 (RG n°18/03264)

Dans cette affaire, une salariée sollicitait, en appel, l’annulation de son licenciement – jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse par le Conseil de prud’hommes de Nanterre – en raison de la violation de sa liberté fondamentale d’expression et sa réintégration dans son emploi, avec versement d’une indemnité correspondant au salaire dû depuis la date de son licenciement jusqu’à sa réintégration effective dans son emploi.

La lettre de licenciement notifiée à la salariée justifiait la rupture du contrat de cette dernière au motif, entre autres, de ce qu’elle avait rejeté les éléments présentés lors de l’entretien préalable, et, ce faisant, d’une attitude insolente et désobligeante à l’égard de sa ligne hiérarchique, caractérisant ainsi, selon l’employeur, une insubordination.

La salariée arguait que l’employeur ne caractérisait aucun abus dans l’usage de sa liberté d’expression, qui s’appliquait pleinement durant l’entretien préalable, et qu’il ne caractérisait ni n’établissait l’usage d’un ton agressif, ni en quoi aurait consisté son comportement désobligeant et insolent.

De son côté, l’employeur contestait avoir violé la liberté d’expression de la salariée en relevant qu’il ne lui était pas reproché d’avoir contesté les motifs de son licenciement, ni de n’avoir pas reconnu les faits lors de l’entretien préalable, mais qu’était seulement fait le constat de son insubordination pendant l’exécution du contrat de travail, et du fait que pendant l’entretien, elle n’a pas reconnu les faits ni a fortiori proposé une amélioration, et le constat d’une situation de non-retour, légitimant pleinement la décision de prononcer son licenciement pour faute grave. L’employeur ajoutait n’avoir aucunement empêché la salariée de s’exprimer.

Dans son arrêt, la Cour d’appel de Versailles a rappelé que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées et qu’un abus n’est caractérisé que lorsque les propos reprochés sont excessifs, diffamatoires ou injurieux.

Elle a également rappelé que l’objet de l’entretien préalable est de permettre au salarié de se défendre et que dès lors, le salarié peut librement, dans ce cadre, réfuter les griefs avancés par l’employeur, quels qu’ils soient et ces dénégations, qui relèvent de la liberté d’expression, ne sauraient être retenues comme faute par l’employeur.

La Cour a en outre relevé qu’aucune précision n’était apportée par l’employeur concernant les propos agressifs, insolents, ou désobligeants qu’aurait tenus la salariée durant l’entretien préalable et qui auraient constitué, de ce fait, un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Elle a donc conclu que, dans ces conditions, le caractère agressif, insolent ou désobligeant des propos de la salariée, que l’employeur reliait au fait qu’elle avait réfuté les éléments qu’il lui présentait durant l’entretien préalable, revenait à lui reprocher d’avoir fait usage de sa liberté d’expression dans l’exercice des droits de la défense.

Dès lors, l’atteinte portée à la liberté d’expression de la salariée, liberté fondamentale, emportait à elle seule la nullité du licenciement, sans qu’il y ait lieu d’examiner les griefs invoqués par l’employeur à l’appui de celui-ci, et donc la réintégration de la salariée dans l’emploi qu’elle occupait ou un emploi équivalent telle que sollicitée par cette dernière.