Brexit : quelles conséquences en matière de droit du travail et de la sécurité sociale ?
Lors du Conseil européen du 10 avril dernier, les Etats membres ont repoussé la date de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Initialement prévue au 29 mars dernier, le Royaume-Uni devrait désormais sortir de l’Union au plus tard le 31 octobre 2019, sauf si un accord de retrait était ratifié par les parties avant cette date.
Une ordonnance n°2019-76 du 6 février 2019 est venue fixer diverses mesures relatives à l’entrée, au séjour, aux droits sociaux et à l’activité professionnelle applicables en cas d’absence d’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’UE.
Deux scénarios peuvent ainsi se présenter :
– Le Royaume-Uni sort dans le cadre d’un accord de retrait, le 31 octobre 2019 au plus tard : une période transitoire est prévue jusqu’au 31 décembre 2020 pendant laquelle le droit de l’Union européenne continuera de s’appliquer (cette période pourra être prolongée une fois, pour une durée maximale de 2 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022) => le Royaume-Uni conserverait tous ses droits d’accès au marché unique européen et continuerait d’appliquer l’ensemble du droit européen, y compris les nouvelles règles adoptées par Bruxelles. Il ne pourrait donc pas signer d’accords de libre-échange avec des pays tiers. En revanche, Londres ne siègerait plus dans les institutions européennes et ne participerait donc plus aux décisions de l’UE que les Britanniques continueraient d’appliquer ;
– Le Royaume-Uni sort sans accord de retrait : dans cette hypothèse, il n’y aura aucune période de transition et le droit de l’Union cessera de s’appliquer dès le 1er novembre 2019.
1) L’impact du Brexit en droit du travail:
Nous verrons ci-après les principales questions qu’un employeur français peut se poser en droit du travail:
Situation | En cas d’un accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’UE | En l’absence d’un accord de retrait |
En qualité d’employeur pouvez-vous continuer à employer des travailleurs britanniques en cours de contrat ? |
Oui, puisque, dans cette hypothèse, les règles relatives à l’embauche de ressortissants britanniques restent inchangées pendant la période transitoire (soit jusqu’au 31 décembre 2020), assurant les mêmes droits et obligations applicables dans l’Union à ces travailleurs.
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Oui, car l’ordonnance du 6 février 2019 prévoit une période de grâce (d’une durée minimum de 3 mois) pendant laquelle les ressortissants britanniques résidant régulièrement en France peuvent continuer à exercer une activité professionnelle sans être dans l’obligation de détenir un titre de séjour pendant cette période. Ce n’est qu’à l’issue de cette période qu’ils devront être titulaires d’un titre de séjour valant autorisation de travail.
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Existe-t-il des formalités ou une réglementation spécifique en cas d’embauche d’un travailleur britannique après le Brexit ? |
Une autorisation de travail n’est pas nécessaire pendant la période transitoire : les règles restent inchangées pendant cette période.
NB : Les futures conditions applicables à l’issue de la période transitoire sont en cours de négociation. |
– L’embauche d’un travailleur britannique sera soumise à la réglementation spécifique des autorisations de travail.
– 2 situations à distinguer : 1) Pour les ressortissants britanniques résidant de manière régulière en France avant la date du Brexit : période de grâce (d’au moins 3 mois) pendant laquelle ils peuvent exercer une activité professionnelle en tant exemptés d’une autorisation de travail : il appartiendra au salarié d’informer son employeur de l’obtention de son titre de séjour ; 2) Pour les ressortissants britanniques ne résidant pas de manière régulière en France avant la date du Brexit : ils devront être titulaires d’un titre de séjour valant autorisation de travail + l’employeur sera soumis à une obligation de vérification de la situation auprès de la préfecture comme pour l’embauche de tout travailleur étranger. |
Quelles sont les règles applicables au détachement par un employeur français de salariés au Royaume-Uni après le Brexit ? |
L’application de la réglementation relative au détachement des travailleurs est maintenue pendant la période transitoire :
Pas de modification du contrat de travail ni des droits et obligations applicables aux salariés. |
– Cessation du bénéfice des droits et obligations en matière de séjour et de travail des étrangers en France => c’est le droit commun des Etats tiers qui aura vocation à s’appliquer.
– Obligation de déclaration du détachement et de la prestation accomplie au Royaume-Uni par l’employeur. |
Quelles sont les formalités à accomplir s’agissant du détachement de salariés britanniques en France après le Brexit ? |
L’application de la réglementation relative au détachement des travailleurs est maintenue pendant la période transitoire : Pas de modification du contrat de travail ni des droits et obligations applicables aux salariés.
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– Cessation du bénéfice des droits et obligations en matière de séjour et de travail des étrangers en France => c’est le droit commun des Etats tiers qui aura vocation à s’appliquer :
1) Si, à la date du Brexit, le salarié détaché britannique résidait de manière régulière en France : demande d’une carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire » = titre dédié aux salariés détachés qui autorisera le travailleur à travailler et séjourner dans le cadre du détachement après la période de grâce ; 2) Si le salarié britannique n’a pas de résidence régulière en France et que le début du détachement commence après le Brexit : demande d’une carte de séjour correspondant au motif du séjour (détachement). – Obligation de déclaration du détachement et de la prestation accomplie en France par l’employeur. |
Les représentants des salariés britanniques peuvent-ils continuer à siéger au sein du comité d’entreprise européen ? | Oui, la réglementation relative au comité d’entreprise (désormais comité social et économique) européen reste applicable pendant la période transitoire.
NB : il peut être nécessaire d’anticiper la situation avant la fin de la période transitoire. |
Oui car la réglementation relative au fonctionnement des comités d’entreprise européens demeure inchangée, sous réserve pour les ressortissants britanniques de remplir les conditions en matière de droit de séjour et d’autorisation de travail. |
Les représentants du personnel britanniques continuent-ils de bénéficier de leur statut de salarié protégé ? |
Oui, la réglementation relative aux instances représentatives du personnel reste applicable pendant la période transitoire.
NB : les futures conditions à l’issue de la période transitoire sont en cours de négociation. |
Oui, la réglementation en vigueur en France relative aux institutions représentatives du personnel s’applique aux ressortissants britanniques à compter de la date de retrait, sous réserve de remplir les conditions applicables en matière de droit au séjour et d’autorisation de travail aux ressortissants de pays tiers. A défaut, pas de droit à la protection pour le salarié employé irrégulièrement.
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2) L’impact du Brexit en droit de la sécurité sociale:
Nous verrons ci-après les principales questions qu’un employeur français peut se poser en droit de la sécurité sociale :
Situation | En cas d’un accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’UE | En l’absence d’un accord de retrait |
Quel est le régime de sécurité sociale applicable au salarié d’une entreprise établie au Royaume-Uni qui souhaite le faire travailler en France ? |
Pendant la période transitoire, maintien des règles de coordination prévues par les règlements européens de sécurité sociale :
– Si le salarié remplit les conditions d’un détachement et est envoyé en France pour une mission d’une durée de moins de 24 mois : il reste soumis au régime de sécurité sociale anglais ;
– Si la mission excède 24 mois, le salarié devra conclure un contrat de droit local et sera donc soumis au régime de sécurité sociale français. |
– Les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale ne seraient plus applicables : le salarié devra être affilié au régime de sécurité sociale de son lieu d’activité soit le régime de sécurité sociale français ;
– Les démarches devront être faites auprès de la caisse primaire d’assurance maladie du lieu de résidence du salarié. |
Quel est le régime de sécurité sociale applicable au salarié d’une entreprise établie en France qui souhaite le faire travailler au Royaume-Uni ? |
Pendant la période transitoire, maintien des règles de coordination prévues par les règlements européens de sécurité sociale.
– Si le salarié remplit les conditions d’un détachement et est envoyé au Royaume-Uni pour une mission d’une durée de moins de 24 mois : il reste soumis au régime de sécurité sociale français ;
– Si la mission excède 24 mois, le salarié devra conclure un contrat de droit local et sera donc soumis au régime de sécurité sociale britannique. |
Les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale ne seraient plus applicables : le salarié devra être affilié au régime de sécurité sociale de son lieu d’activité soit le régime britannique.
Il pourra aussi, à titre volontaire, s’affilier au régime français.
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Les périodes d’activité effectuées en France et au Royaume-Uni sont-elles prises en compte pour le calcul des pensions de retraite ? |
Prise en compte des périodes d’activité accomplies au Royaume-Uni pour l’ouverture et le calcul des droits à la retraite en France et au Royaume-Uni (application des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale pendant la période transitoire). |
– Pour le calcul de la pension de retraite française : l’ordonnance prévoit une reprise de toutes les périodes d’activité accomplies au Royaume-Uni jusqu’à la date de retrait et jusqu’à 6 mois suivant cette date ; – Pour le calcul de la pension de retraite britannique : la prise en compte des périodes d’activité en France dépend des mesures transitoires décidées par le gouvernement britannique.
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Les périodes d’activité effectuées en France et au Royaume-Uni sont-elles prises en compte pour le calcul des droits à l’assurance chômage ? |
Prise en compte des périodes d’activité accomplies au Royaume-Uni pour l’ouverture et la détermination de la durée du droit à l’assurance chômage en France (application des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale pendant la période transitoire). |
– Pour l’appréciation des conditions d’ouverture et la détermination de la durée des droits à l’assurance chômage en France : l’ordonnance prévoit une reprise de toutes les périodes d’activité accomplies au Royaume-Uni jusqu’à la date de retrait et jusqu’à 6 mois suivant cette date, à condition d’avoir retravaillé sur le territoire national.
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