Clearview, une menace pour la vie privée
Dans un article du 18 janvier 2020, le New York Times a révélé au grand public l’existence d’une application de reconnaissance faciale qui fait polémique : Clearview.
Cette application, dont le créateur est l’entrepreneur australien Hoan Ton-That, permet de retrouver le nom et des informations concernant une personne à partir de son image. Pour cela, il suffit d’uploader une photo sur l’application pour accéder à toutes les photos et informations liées à cette personne sur le web.
L’application s’appuie sur une base de données regroupant 3 milliards de photos récupérées sur de nombreux sites et notamment des réseaux sociaux comme Facebook, YouTube ou encore Venmo. Les photos utilisées sont donc celles librement accessibles sur Internet car mises en ligne par les utilisateurs eux-mêmes.
A titre de comparaison, la base de données de la police de Los Angeles comporte 8 millions d’images, celle de la police de Floride 47 millions et celle du FBI 411 millions.
Le taux de réussite de reconnaissance faciale de l’application est de 75%.
Clearview est déjà utilisé par près de 600 agences gouvernementales allant de la police de l’état de l’Indiana jusqu’au FBI. Plusieurs dizaines d’enquêtes ont ainsi été résolues grâce à cette technologie. Certaines entreprises privées utilisent également l’application à des fins de sécurité.
Cependant, l’application Clearview est jugée dangereuse car son utilisation pourrait être détournée par des harceleurs ou servir à des fins de surveillance de masse.
Jusqu’à présent, les entreprises capables de mettre en place un tel outil de reconnaissance faciale s’étaient abstenues. En 2011, le président de Google de l’époque a même déclaré qu’il s’agissait de la seule technologie que Google ne développait pas car elle pouvait être utilisée à très mauvais escient.
Récemment, le réseau social Twitter a exigé que Clearview arrête de puiser dans les photos de ses abonnés postées sur le réseau social pour alimenter sa banque de données.
Cette application est une telle menace pour la vie privée que le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), l’autorité de protection des données personnelles suisse, a rendu publique une délibération à son sujet le 21 janvier dernier.
Le PFPDT recommande ainsi aux utilisateurs de réseaux sociaux de paramétrer leur compte de façon à empêcher que les moteurs de recherche puissent accéder à leurs photos (c’est-à-dire en mode privé).
De plus, l’autorité recommande aux particuliers ainsi qu’aux autorités de ne pas utiliser Clearview et menace de poursuite pénale ceux qui décideraient d’aller à l’encontre de cette recommandation.
Enfin, l’autorité déclare qu’elle demandera à l’application des informations concernant les données collectées s’agissant de personnes concernées suisses et demandera leur suppression. Le PFPDT informera le public de la manière dont Clearview répondra à sa requête.
L’application est également visée par une action collective dans l’Etat de l’Illinois et le sénateur démocrate Edward Markey du Massachusetts a publié le 23 janvier une lettre ouverte demandant des réponses au créateur de l’application concernant l’utilisation dans sa base de données de photos concernant des mineurs de moins de 13 ans et la liste de l’ensemble des identités utilisant actuellement cette technologie. Hoan Ton-That avait jusqu’au 12 février pour y répondre. Aucune réponse n’a pour le moment été rendue publique.
Liens utiles :
https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/actualites/aktuell_news.html#-454601521
https://fr.scribd.com/document/444154093/gov-uscourts-ilnd-372790-1-0
https://www.markey.senate.gov/imo/media/doc/Clearview%20letter%202020.pdf