Commentaires de l’administration fiscale sur le mini-abus de droit
Par une mise à jour de sa base Bofip effectuée le 31 janvier 2020, l’administration fiscale a publié ses commentaires relatifs au dispositif du mini abus de droit instauré par la loi de finances pour 2019 et codifié à l’article L.64 A du livre des procédures fiscales « LPF ».
Bien que ces commentaires n’écartent pas toutes les incertitudes relatives à la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, ils permettent tout de même de poser certains jalons. De plus, l’administration réaffirme le principe d’une absence d’automaticité des pénalités de 40% et 80%.
Pour rappel, ce dispositif ne s’appliquera qu’aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou des opérations réalisées à compter du 1er janvier 2020.
Champ d’application du dispositif
L’administration rappelle que l’objectif poursuivi par ce nouveau dispositif est d’écarter « les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».
Le dispositif du mini abus de droit a vocation à s’appliquer à l’ensemble des impôts à l’exception de l’impôt sur les sociétés puisqu’un dispositif similaire exclusivement dédié à cet impôt a été mis en place (art. 205 A du code général des impôts « CGI »).
L’administration prend le soin de préciser que le dispositif du mini abus de droit n’a pas pour effet d’interdire au contribuable de choisir le cadre juridique le plus favorable d’un point de vue fiscal, pourvu que ce choix ne soit pas empreint d’artificialité.
Conditions de mise en œuvre du mini abus de droit
Pour recourir à la procédure du mini abus de droit, l’administration doit apporter la preuve de deux éléments :
- Le contribuable a utilisé un texte à l’encontre des intentions de son auteur :
Les textes dont l’application peut être critiquée sur le fondement du mini abus de droit sont les lois, les conventions fiscales internationales, les textes réglementaires qui en précisent les conditions d’application, les décisions et instructions administratives de portée générale (telles que des réponses ministérielles, instructions ou rescrits publiées au Bofip) comportant une interprétation favorable au contribuable ainsi que les instructions administratives sous certaines conditions.
Ainsi, les décisions individuelles ne sont pas susceptibles d’être prises en compte pour l’application de l’article L.64 A du LPF.
Par ailleurs, l’administration rappelle que contrairement à la procédure de l’abus de droit, la fictivité d’un acte ne permet pas à elle seule la mise en œuvre du mini abus de droit.
- L’utilisation du texte a été effectuée dans le but principal d’éluder l’impôt :
L’administration fiscale illustre ce qu’il convient d’entendre par « éluder ou atténuer les charges fiscales » en précisant qu’il peut notamment s’agir de réduire une dette d’impôt, de percevoir indûment un crédit d’impôt ou encore d’augmenter abusivement une situation déficitaire.
Lorsque les effets économiques d’un acte sont nuls ou négligeables, c’est sur le seul fondement de l’abus de droit (L.64 LPF) qu’elle pourra remettre en cause cet acte, et non sur le fondement du mini abus de droit (L.64 A LPF).
En outre, la notion de « motif principal » est plus large que la notion de but exclusivement fiscal. L’administration renvoie à ses commentaires relatifs à la clause anti-abus de l’article 205 A du CGI applicable en matière d’IS aux autres impôts. A noter que les dispositions de l’article 205 A du CGI ne visent que les actes ou montages dépourvus de substance économique. Le renvoi effectué par l’administration aux dispositions de l’article 205 A du CGI ne parait pas limpide. Nous comprenons que les montages non authentiques, qui sont visés à l’article 205 A du CGI pour ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, tomberaient automatiquement dans le champ du mini-abus de droit s’agissant des autres impôts. Mais le champ d’application du mini abus de droit est-il plus large (étant précisé que le texte de l’article 205 A est plus restrictif, car il vise expressément les montages « non authentiques », condition non reprise par l’article L64 A du LPF) ? C’est probablement dans cet interstice mal éclairé par la doctrine de l’administration que pourrait se jouer le sort jurisprudentiel du mini-abus de droit…
En tout état de cause, la recherche d’un but principalement fiscal d’une opération ne pourra pas être sanctionnée par le dispositif du mini abus de droit si le schéma a été encouragé par le législateur lui-même par le biais d’une incitation fiscale. Cependant, l’utilisation d’un tel dispositif incitatif ne doit pas être manifestement détournée de son objet.
Sanctions et garanties applicables
Contrairement à la procédure de l’abus de droit qui entraîne l’application automatique de la majoration de 80 %, le mini abus de droit entraîne l’application des sanctions de droit commun.
Ainsi, l’administration fiscale pourra appliquer les majorations de 40 % pour manquements délibérés ou de 80 % pour manœuvres frauduleuses à condition de le justifier, ce qui rend ces sanctions non automatiques.
A l’instar de ce qui est prévu pour la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit, le contribuable ou l’administration peuvent saisir le comité de l’abus de droit fiscal. Cet avis n’est que consultatif mais aura une incidence sur la charge de la preuve en cas de contentieux ultérieur.
Enfin, les contribuables peuvent sécuriser leur opération en amont, par le recours au rescrit « abus de droit », afin que l’administration confirme que le dispositif du mini abus de droit ne leur est pas applicable.