Complément de prix : de l’importance de la terminologie
Faits
Un protocole de cession de parts sociales stipulait une clause de complément de prix, dont le montant et la date d’exigibilité dépendaient d’une procédure en cours devant l’Autorité de la Concurrence. L’acte de cession prévoyait ainsi que le complément de prix (ou earn out) serait payé aux cédants dans les 30 jours de la « signification d’une décision de justice définitive ayant autorité de la chose jugée ».
La sanction prononcée par l’Autorité de la Concurrence à l’encontre de la société a été réduite par la Cour d’appel de Paris, dont l’arrêt a ensuite été frappé d’un pourvoi en cassation.
Considérant les conditions de paiement du complément de prix réunies, les cédants ont réclamé le paiement de l’earn out.
Procédure et analyse
La Cour d’appel de Paris saisie du litige concernant le paiement du complément de prix, non sans avoir souligné le caractère ambigu de la rédaction de la clause d’earn out, a considéré, en interprétant la volonté des parties, que l’exigibilité du complément de prix était subordonnée à l’existence d’une décision de justice irrévocable, et donc insusceptible d’un recours tel que le pourvoi en cassation. La décision réduisant l’amende prononcée par l’Autorité de la Concurrence ayant été frappé d’un recours, la Cour d’appel en a déduit que le complément de prix n’était pas exigible.
La chambre commerciale de la Cour de cassation (14 novembre 2018, n° 16-28.778) valide l’arrêt de la Cour d’appel, s’en remettant à son pouvoir souverain d’interprétation en l’absence de dénaturation d’une clause claire et précise.
Cet arrêt rappelle la nécessité, pour le rédacteur d’une clause d’earn out (ou de tout acte par ailleurs) de maîtriser parfaitement la terminologie utilisée, et notamment la terminologie judiciaire, sous peine de laisser l’interprétation d’une clause mal rédigée dans les mains du juge, avec l’aléa judiciaire que cela implique.
Il conviendra ainsi d’éviter l’expression « décision définitive », laquelle désigne en principe toute décision judiciaire au fond (à l’inverse d’une décision dite « avant dire droit » telle qu’un référé), mais que beaucoup comprennent comme « décision irrévocable », à savoir non susceptible de recours. Il est par conséquent conseillé d’utiliser les termes « première décision au fond », « première décision au fond exécutable », ou « décision irrévocable » selon l’effet souhaité.