Conditions de déduction de la TVA sur des frais supportés par une holding lors d’une cession de titres
CJUE, 8 novembre 2018, C-502/17, Foods Acquisition ApS c/ Skatteministeriet
La question de la déductibilité de la TVA au niveau des holdings est une problématique récurrente dans la jurisprudence récente, notamment s’agissant de la TVA sur des frais supportés dans le cadre d’une acquisition de titres de société.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de rendre une décision sur la situation inverse, c’est-à-dire dans le cadre d’une cession d’actions par une holding, sur laquelle elle a eu rarement l’occasion de se pencher.
Dans l’affaire en cause, une holding danoise détenait une filiale à laquelle elle rendait des services informatiques et de gestion. A l’occasion du rachat du groupe par un établissement financier, il est envisagé que la holding cède les titres de sa filiale. L’idée est de générer des liquidités pour rembourser les dettes dues à l’établissement financier repreneur. Dans le cadre de ce projet de cession, des honoraires de conseil sont facturés à la holding. Ce projet de cession sera finalement abandonné.
Se pose la question du droit à déduction de la holding s’agissant de la TVA sur ces frais de conseils préalables à la cession de titres.
L’administration fiscale danoise ayant refusé une telle déduction au motif que ces dépenses de conseil n’avaient pas de lien de rattachement suffisant avec les opérations taxées de la holding, l’affaire est portée en justice jusqu’à la CJUE.
Pour répondre à cette question, le raisonnement classique de la jurisprudence européenne se décompose habituellement en deux temps :
1) L’opération de cession d’actions constitue-t-elle une activité économique au sens de la « Directive TVA » 2006/112 ? (première condition)
2) Dans l’affirmative, la dépense en cause présente-t-elle un lien direct et immédiat avec une opération taxée ? Ou, à défaut de lien direct avec une opération, peut-elle être considérée comme faisant partie des frais généraux de la holding ? (deuxième condition)
Dans ses conclusions, l’Avocat général, Me Kokott, reprend cette méthode de raisonnement et considère que la première condition est remplie mais pas la seconde.
Pour l’Avocat général, l’opération de cession envisagée par la holding danoise est une activité économique au motif que la détention de la filiale s’accompagnait d’une immixtion dans la gestion de celle-ci. Pour Mme Kokott, est sans incidence le fait que le but de la cession était de dégager des liquidités pour rembourser une dette du groupe vis-à-vis de l’établissement financier repreneur du groupe.
En revanche, s’agissant de la seconde condition, Me Kokott établit qu’elle n’est pas respectée puisque les frais de conseils en cause ont un lien direct avec une opération exonérée de TVA, compte tenu du fait que les opérations de cessions de titres sont exonérées de TVA en vertu de l’article 135, paragraphe 1, f) de la Directive TVA.
De son côté, la Cour aboutit à la même conclusion mais en suivant une méthode de raisonnement totalement différente, qui paraît à première vue inédite voire en contradiction avec la méthode habituelle précitée.
Selon la Cour, pour répondre à la question du droit à déduction de la holding, il convient de vérifier si l’opération a sa « cause exclusive » directe dans l’activité économique taxable de la holding ou si elle en constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire.
La CJUE juge que tel n’est pas le cas dans le cas d’espèce, car l’objectif de la cession d’actions était ici d’utiliser le produit de cette cession pour rembourser les dettes dues à l’établissement financier repreneur du groupe, et non de le réinvestir dans une activité économique taxable.
Tout comme le suggérait son Avocat général, la CJUE conclut donc à l’absence de droit à déduction pour la holding danoise au cas d’espèce.
Toutefois, le raisonnement juridique suivi pour aboutir à cette conclusion laisse perplexe au regard de la jurisprudence antérieure, qui n’a jamais développé cette notion de « cause exclusive », preuve du flou qui existe encore sur les conditions exactes ouvrant droit à déduction de la TVA pour les sociétés holding.