04/02/2019

Crypo-monnaies – régulation et usages

Le développement des instruments financiers reposant sur la technologie blockchain et les incertitudes quant au cadre juridique leur étant applicable a obligé le législateur à s’emparer de ces problématiques nouvelles dans le but de renforcer la sécurité juridique. Plusieurs textes ou projets de loi ont émergés ces derniers mois traitant de certains aspects des problèmes posés par les crypto-monnaies ; dessinant une ébauche de règles applicables à cette technologie nouvelle.

a. L’encadrement des security tokens

Le décret No. 2018-1226 du 24 décembre 2018 (le Décret) complétant l’ordonnance No. 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers (l’Ordonnance) pose les bases du cadre juridique applicable aux security tokens (voir la définition ci-après).

La principale nouveauté introduite par les nouveaux textes réside dans la possibilité d’établir la matérialité d’un titre par inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) : dorénavant, la propriété sur un titre financier peut être établie (i) soit classiquement par inscription en compte (ii) soit par inscription dans un DEEP.

Le nouvel article R. 211-9-7 du Code monétaire et financier prévoit les exigences minimales devant être respectées par les DEEP destinés à l’inscription de titres financiers. Le DEEP doit ainsi être conçu et mis en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus.

Le décret introduit également un nouveau régime relatif au nantissement de ces titres financiers. Ce régime répond à la difficulté posée par l’absence de recours à un compte de titre financiers dans la détention et la circulation de titres financiers inscrits en blockchain. De façon symétrique au régime de transmission des titres, le décret retient que les titres sont nantis par inscription de leur nantissement sur la blockchain. Le nantissement porte donc directement sur les titres et non sur le compte-titres et le régime fait intervenir un « gestionnaire du procédé informatique » qui intervient en lieu et place du teneur du compte nanti.

Les fruits et produits tirés des titres nantis doivent quant à eux être conservés dans un compte-espèces tenu par un intermédiaire habilité au sens de l’article L. 211-3 du Code monétaire et financier, teneur de compte conservateur ou un établissement de crédit.

Pour le reste, le régime du nantissement des titres représentés sur un DEEP est calqué sur celui des comptes de titres financiers classiques.

b. L’encadrement des ICO par la loi PACTE

L’article 26 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, adopté par l’AN (1ère lecture) et déposé au Sénat, 10 oct. 2018 (loi PACTE) créé le nouvel article L. 552-7 du Code monétaire et financier relatif aux offres au public de jetons (Initial Coin Offering ou ICO). Les ICO sont des opérations de levées de fonds en crypto-monnaies effectuées à travers l’utilisation de la technologie blockchain et qui donnent lieu à une émission de jetons relatifs à un service (utility token) ou à un titre (security token).

Le projet de loi propose de permettre à l’AMF de délivrer un visa aux acteurs qui souhaiteraient émettre des jetons destinés notamment au marché français sous réserve du respect de certaines règles établies afin d’éviter des abus et d’assurer une protection des investisseurs. L’AMF se verrait ainsi confier le soin d’examiner les documents d’information et communications promotionnelles élaborés par les émetteurs de jetons en amont de leur offre. Elle pourrait en outre exiger que les émetteurs se dotent du statut de personne morale établie ou immatriculée en France et qu’ils mettent en place tout moyen permettant le suivi et la sauvegarde des actifs. Les acteurs ainsi labellisés figureraient sur une « liste blanche », sur laquelle l’AMF communiquerait auprès du grand public et qui identifierait les acteurs qui respectent ces règles. En contrepartie, cette liste blanche permettrait à ces acteurs de bénéficier d’une plus grande respectabilité auprès des souscripteurs potentiels.

Ce dispositif facultatif ne concerne toutefois que les émissions de security tokens auxquels sont attachés des droits financiers assimilables à ceux des titres financiers.

Afin d’inciter les émetteurs à effectuer cette demande de visa auprès de l’AMF, le projet de loi prévoit que les acteurs ayant obtenu le visa bénéficieront d’un accès facilité aux services de compte de dépôt et de paiement bancaire, ces services étant actuellement systématiquement refusés par les établissements bancaires au nom de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Les établissements de crédit seront ainsi obligés de « mettre en place des règles objectives, non discriminatoires et proportionnées pour régir l’accès des émetteurs de jetons » ayant obtenu le visa AMF. En cas de refus, ces établissements seront obligés de communiquer les raisons de cette décision à l’AMF.

c. L’imposition allégée des plus-values crypto-monétaires

Jusqu’à présent et à la suite à un avis du Conseil d’Etat d’avril 2018, les gains tirés de la cession de crypto monnaies étaient soumis au régime des plus-values de biens meubles (taux de 36,2%).

L’article 41 de la loi de finance pour 2019 introduit un nouveau régime pour les plus-values crypto-monétaires. Dorénavant ces plus-values sont imposées au taux de 30% et un abattement de EUR 305 par année de détention est applicable sur le montant des cessions réalisées. Cet allégement de la fiscalité ne concerne que les particuliers réalisant des investissements « occasionnels » ; les investisseurs professionnels restant soumis au régime des plus-values de biens meubles.