21/12/2021

Droit des dessins et modèles : Apparence d’une partie de produit d’un modèle de Ferrari

Cour de Justice de l’UE, 28 octobre 2021, C-123/20, EU:C:2021:889, Ferrari SpA / Mansory Design & Holding GmbH – WH

Pour la première fois, la CJUE s’est prononcée sur les conditions dans lesquelles l’apparence d’une partie d’un produit (ou dessin ou modèle partiel) peut être protégée en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré.

En l’espèce, le constructeur automobile italien Ferrari a divulgué dans un communiqué de presse du 2 décembre 2014 son modèle haut de gamme FXX K, produit en nombre très limité, et destiné exclusivement à une conduite sur circuit. Ce communiqué comportait deux photographies, montrant une vue latérale et une vue frontale de la voiture. Sur le capot de la voiture figure un grand « V » de couleur noire.

Ferrari a assigné la société allemande Mansory Design qui produit et commercialise des ensembles d’accessoires de personnalisation de voitures haut de gamme, appelés, plus vulgairement, « kits de tuning », en contrefaçon de dessin ou modèle non enregistré, car celle-ci commercialisait des « kits de tuning » destinés à modifier l’apparence de la Ferrari 488 GTB, un modèle de route produit en série, de manière à la rapprocher de la Ferrari FXX K, en particulier par l’apposition du grand « V » noir sur le capot.

En effet, le constructeur italien prétendait que les composants proposés par Mansory Design portaient atteinte à un ou plusieurs dessins ou modèles communautaires non enregistrés concernant des parties spécifiques du design de la Ferrari FXX K, nés de la publication du communiqué de presse du 2 décembre 2014 (il s’agissait de la divulgation pertinente au public ayant entraîné la subsistance du droit).

Les éléments concernés en l’espèce sont en particulier la section de la voiture comprenant l’élément en forme de “V” du capot de la voiture, l’élément en forme d’ailette saillante (« strake « ) et le spoiler avant intégré au pare-chocs, ainsi que le pont vertical au centre reliant le spoiler avant au capot. Cette section, est considérée comme une unité qui façonne les caractéristiques individuelles de la Ferrari FXX K, tout en créant une association avec un avion ou une voiture de Formule 1.

En outre, Ferrari s’est appuyée sur un second dessin ou modèle communautaire non enregistré pour l’apparence du spoiler avant ou, à titre subsidiaire, pour la présentation de la Ferrari FXX K dans son ensemble, comme le révèle une autre photographie de la voiture, qui figurait également dans le communiqué de presse du 2 décembre 2014.

En première instance et en appel, les deux instances judiciaires allemandes ont conclu à l’absence de droits sur les dessins et modèles communautaires non enregistrés de sorte que Ferrari a été débouté de ses demandes.

C’est dans ce contexte que Ferrari a fait valoir ses droits en formant un recours en cassation devant le Bundesgerichtshof (Cour Suprême Allemande) qui a posé à la CJUE les deux questions suivantes :

(1) La divulgation au public d’images d’un produit (p. ex. une voiture) peut-elle entraîner la divulgation d’un dessin ou modèle sur une partie ou une pièce de ce produit ?

(2) Dans l’affirmative, dans quelle mesure l’apparence d’une partie du produit ou d’une pièce de ce produit complexe doit-elle être autonome par rapport à l’ensemble pour pouvoir en apprécier le caractère individuel ?

La CJUE a rappelé que la mise à disposition du public du dessin ou modèle d’ensemble d’un produit peut également impliquer la mise à disposition du dessin ou modèle d’une partie de ce produit. Bien entendu, il est essentiel que l’apparence de cette partie soit clairement identifiable à partir de la divulgation au public.

Ainsi, lorsqu’il existe un événement par lequel le dessin ou modèle est rendu disponible et qui consiste en la publication d’une photographie d’un produit, comme en l’espèce, les caractéristiques du dessin ou modèle de la partie invoquée doivent être clairement visibles sur cette photographie.

Pour déterminer si la partie du produit peut en elle-même être soumise à l’appréciation des conditions d’obtention de la protection en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré, son apparence doit être susceptible de produire en elle-même une « impression d’ensemble » et ne peut être perdue dans l’impression d’ensemble produite par le produit.

À cet égard, la CJUE, rappelant la définition de la notion de dessin ou modèle telle qu’énoncée à l’article 3, sous a), du règlement n° 6/2002, a précisé qu’une partie d’un produit, pour être protégée en tant que dessin ou modèle, doit être une section visible définie par “des lignes, des contours, des couleurs, une forme ou une texture particuliers”.

Le juge allemand devra désormais se prononcer dans cette affaire à la lumière des réponses apportées par la CJUE afin notamment de déterminer si les dessins invoqués par Ferrari remplissent les conditions pour obtenir une protection en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré.