05/04/2018

Durée du Pacte d’actionnaires et Promesses croisées

Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation s’intéresse à deux questions qui présentent un intérêt particulier pour le droit des sociétés : la durée du pacte d’actionnaires et la qualification de promesses unilatérales croisées d’achat et de vente.

 

Faits et Procédure
L’actionnaire majoritaire et l’actionnaire minoritaire d’une société ont conclu le 13 octobre 2005 un protocole d’accord constituant un pacte d’actionnaires. Ce pacte était à durée indéterminée avec une faculté de résiliation.
Ce protocole prévoyait notamment les conditions de cessation de leur association et comportait une promesse de cession des titres de l’associé sortant dans un certain délai.
L’actionnaire majoritaire a informé l’actionnaire minoritaire de la résiliation du protocole le 10 mai 2013. Cette résiliation était opérée sans préavis. La société (B), actionnaire minoritaire et son dirigeant ont notifié par la suite à la société (A), actionnaire majoritaire leur volonté de mettre fin à leur association et de céder leurs actions selon les dispositions de leur accord.
L’actionnaire majoritaire s’est opposé à la demande de l’actionnaire minoritaire et de son dirigeant dans la mesure où selon l’actionnaire majoritaire, l’accord était résilié au moment de l’exercice de la promesse, alors que pour l’actionnaire minoritaire, la levée de l’option était intervenue pendant le temps de validité du protocole, cette résiliation devant respecter un préavis raisonnable.
C’est dans ce contexte que la société actionnaire minoritaire et son dirigeant ont assigné l’actionnaire majoritaire pour voir constater la cession de ces actions et le paiement du prix.
Le tribunal puis la Cour d’appel ont estimé que l’option de la promesse d’achat avait été levée pendant la durée du protocole.
L’actionnaire majoritaire s’est alors pourvu en cassation.

 

Analyse
Dans cet arrêt du 27 septembre 2017 (pourvoi n°16-13.112), la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formulé par l’actionnaire majoritaire.
Le pourvoi de l’actionnaire majoritaire portait sur la question de la résiliation du protocole d’accord et sur la thèse consistant à voir une promesse synallagmatique en présence de deux promesses unilatérales croisées.
Sur la première question, la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond.
En l’espèce, la cour d’appel considérait que le protocole d’accord conclu entre les parties était une convention à durée indéterminée, comme telle toujours susceptible de résiliation unilatérale. Pour les juges du fond, cette faculté de rompre ne pouvait toutefois pas s’exercer de façon abusive et son auteur devait faire connaître ses intentions suffisamment à l’avance pour permettre à son cocontractant de prendre parti.
L’arrêt de la cour d’appel retient ainsi qu’un préavis était sous-entendu à la convention car inhérent au mécanisme de la rupture unilatérale.
Dans ces conditions, la Cour de cassation juge que la cour d’appel a souverainement estimé à six mois la durée du préavis raisonnable et par voie de conséquence retenu que la résiliation du protocole était intervenue prématurément, celui-ci n’expirant qu’à l’issue du préavis raisonnable.
Sur la seconde question, la Cour de cassation suit la motivation de la cour d’appel qui retient que les promesses d’achat et de vente que s’étaient consenties les parties étaient synallagmatiques car ayant le même objet et étant stipulées dans les mêmes termes
La vente était donc parfaite au moment de la levée de l’option.
La Cour de cassation réitère donc ici une solution « classique » mais contestable qui avait notamment été consacrée par un arrêt de la chambre commerciale du 22 novembre 2005 (Cass. Com., 22 nov. 2005, n°04-12.183).
En effet, cette solution est vivement critiquée par certains auteurs qui considèrent qu’il n’y a rien de commun entre la double promesse unilatérale où chacun s’est contenté de bénéficier d’une option et a consenti une option en sens inverse et la promesse synallagmatique où les parties ont déjà échangé leurs consentements.