11/02/2021

Elections professionnelles et vote électronique : quelques lumières

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 janvier 2021, 19-23.533


Négociations et/ou décision unilatérale ?

Pour rappel, l’article L. 2314-26 du code du travail prévoit la possibilité de décider de recourir au vote électronique « si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide ».

Un employeur décide de recourir au vote électronique sans tenter de négocier un accord collectif à ce sujet avec les représentants du personnel. Le syndicat CGT demande l’annulation de la décision unilatérale devant le tribunal d’instance, estimant que le préalable de la négociation collective n’a pas été respecté.

Le tribunal d’instance déboute le syndicat au motif que des négociations préalables étaient matériellement impossibles, dans la mesure où l’entreprise était dépourvue de délégué syndical. Le syndicat se pourvoit en cassation. A l’appui de son pourvoi, le syndicat fait valoir qu’en l’absence de délégué syndical, un accord d’entreprise peut être conclu entre l’employeur et des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. En effet, elle juge que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur. Cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires susvisées.

Dans sa note explicative, la Cour de cassation précise en effet que les dispositions sur la négociation dérogatoire sont des dispositions subsidiaires, en cas d’absence de délégué syndical, afin de permettre à l’employeur, notamment dans le cadre de la négociation obligatoire, de parvenir malgré tout à élaborer un accord. Or, dans le cas du vote électronique, la loi prévoit justement un autre type de disposition subsidiaire, en autorisant la décision unilatérale de l’employeur.

 

Contentieux électoral ou contentieux des accords collectifs ?

Se posait également dans cet arrêt une question de compétence : la contestation de la décision de recours au vote électronique relève-t-elle de la procédure applicable au contentieux des accords collectifs ou à celle applicable au contentieux du processus électoral ?

Dans cette affaire, l’employeur avait opposé un moyen d’irrecevabilité contre le pourvoi formé par le syndicat. Il considérait en effet que seul un appel pouvait être formé contre le jugement du tribunal d’instance, lequel avait été, selon lui, rendu en premier ressort en matière de contentieux de droit commun des accords collectifs. Il faisait en effet valoir que la contestation en cause ne faisait pas partie de celles que le tribunal tranche en dernier ressort en application de l’article R 2314-23 du Code du travail, (i.e. les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux).

La Haute Juridiction en juge autrement considérant ainsi que le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections et relève en conséquence de la régularité des opérations électorales.