21/12/2021

Equitation : L’INPI reconnaît la renommée du logo de la société BRUNO DELGRANGE

INPI – OPP 20-2306 /JF 28/06/2021

Le 21 juillet 2020, la société française BRUNO DELGRANGE, spécialisée dans la fabrication et la vente de produits et d’accessoires relavant du domaine de l’équitation a formé une opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement à titre de marque du signe MILUNE (+ logo) notamment sur le fondement des dispositions de l’article L.713-3 du Code la Propriété Intellectuelle, à savoir l’atteinte à la renommée de sa marque antérieure Delgrange (logo en forme de demi-lune) pour les produits relavant de la classe 18 (articles de sellerie et accessoires pour la pratique de l’équitation).

Le régime des marques de renommée vise à protéger les fonctions de la marque autres que celle d’indication d’origine à savoir, la transmission d’autres messages ou représentations qui y sont associées tels que par exemple le luxe, l’aventure ou un certain mode de vie qui ainsi véhiculés, confèrent au signe une valeur économique intrinsèque autonome et distincte de celle résultant du périmètre de son enregistrement (TPI 22 mars 2007, SIGLA/OHMI – Elleni Holding T- 215-03, point 35).

Une marque est considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public concerné par les produits visés à l’enregistrement et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées.

Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice.

Ces critères ne sont pas cumulatifs et le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise (CJCE 6 oct 2009, PAGO international/Tirolmilchregistrierte genossensche, C-301/07, point 25, TPI 10 mai 2007 Antartica/OHMI The Nasdaq Stock Market, T-47/06, point 51, TUE 5 mai 2015, Spa Monopole/OHMI-Orly International T-131/12, point 33).

En l’espèce, il s’agissait pour l’Examinateur de l’INPI de déterminer si d’une part la marque antérieure de la société Bruno Delgrange bénéficiait du régime des marques de renommée en particulier pour les produits relevant du domaine de la pratique de l’équitation (1), afin d’autre part d’établir si le dépôt de la demande de marque française MILUNE (+logo) portait effectivement atteinte à cette renommée (2).

(1) Sur la renommée de la marque antérieure

Pour faire valoir ses droits, la société Bruno Delgrange a communiqué à l’INPI un certain nombre de preuves d’usage et de notoriété, parmi lesquels des extraits d’articles de presse spécialisée ou grand public, des extraits de contrats de partenariat ou de “sponsoring” avec des cavaliers professionnels de renommée internationale, ou encore des extraits de diverses campagnes publicitaires d’envergure nationale ou internationale.

Selon l’Examinateur de l’INPI : “Il ressort de l’ensemble des pièces transmises par la société opposante, que la marque antérieure fait l’objet d’un usage intensif et qu’elle est renommée sur le marché français dans le domaine de l’équitation”.

La renommée ayant été démontrée il convenait pour l’Examinateur d’examiner l’atteinte portée par le signe contesté à la renommée de la marque antérieure au regard des produits de l’espèce.

(2) Sur l’atteinte à la renommée de la marque antérieure

Après avoir retenu que les signes en l’espèce sont similaires compte tenu de leurs ressemblances visuelles et intellectuelles, l’Examinateur admet que le public pertinent peut établir un lien entre le signe contesté et la marque antérieure en relation avec des produits identiques et similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est renommée à savoir “Cuir et imitations du cuir ; Articles de maroquinerie en cuir ou imitation du cuir ; Sacs à main ; Sacs de voyage ; Sacs d’écoliers ; Peaux d’animaux ; Malles et valises ; Parapluies, parasols et cannes ; Fouets et sellerie ; Arçons de selles ; Attaches de selles ; Bourrellerie ; Fers à cheval ; Colliers de chevaux ; Couvertures de chevaux ; Housses de selles pour chevaux ; Licous de chevaux ; Selles pour chevaux ; Courroies de harnais ; Dessous de selles d’équitation ; Étriers ; Genouillères pour chevaux ; Rênes ; Harnachements et garnitures d’harnachements ; Muselières” (classe 18).

L’Examinateur précise à cet égard que les “produits en cause [sont] proposés à la vente dans les mêmes points de vente (magasin d’équitation) [que ceux de] la marque [de renommée] antérieure qui jouit d’une image positive auprès des consommateurs dans le domaine de l’équitation, il est vraisemblable que les consommateurs associeront les produits du déposant qui relèvent du même marché à ceux de la société opposante et transféreront ainsi les qualités attribuées à la marque antérieure de renommée aux produits de la demande d’enregistrement contestée”.

Si bien que l’usage du signe MILUNE contesté pour les produits précités est susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure DELGRANGE (logo).

Dès lors, la demande de marque contestée portant atteinte à la renommée de la marque antérieure DELGRANGE (logo), a été totalement refusée à l’enregistrement par l’INPI.

Cette décision démontre une nouvelle fois, s’il en était besoin, de l’importance pour les titulaires de marques enregistrées de conserver des preuves d’usage pertinentes de leurs droits de propriété industrielle.

Dans le cas présent, les contrats de partenariats et de sponsoring conclus entre l’opposante et des cavaliers professionnels de renommée internationale ayant participé à des compétitions d’envergure telles que les Jeux Olympiques de Rio ont été des éléments déterminants dans l’analyse de la renommée de la marque antérieure effectuée par l’Examinateur.

Cette exploitation intensive de leurs marques permet en effet aux opérateurs économiques de valoriser leurs actifs immatériels (ici la renommée de la marque) mais aussi d’éviter, autant que faire se peut, de s’exposer à une possible déchéance de leurs droits pour défaut d’usage sérieux, dans le cadre d’une action initiée par un tiers souhaitant mettre fin à un monopole particulier.