Fiscalité des entreprises – L’émission d’actions à prix minoré n’entraîne pas de rehaussement du profit imposable de la société émettrice
Dans la présente affaire, une société avait émis des actions à bons de souscription d’actions (« ABSA ») dont la valeur avait été acquittée en numéraire. Au terme d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale avait estimé que le prix de souscription de ces ABSA avait été minoré par rapport à leur valeur réelle. En se référant à la jurisprudence applicable en matière de cession à prix minoré, le vérificateur avait considéré que cette minoration constituait un acte anormal de gestion et avait réintégré le montant de cette minoration dans le résultat imposable de la société émettrice. Cette dernière contesta cette rectification.
Par un arrêt du 21 octobre 2020, le Conseil d’Etat a donné raison au contribuable, estimant qu’il convenait de distinguer une telle émission d’ABSA d’autres opérations sur titres telles qu’une cession ou un apport en nature.
Pour mémoire, la jurisprudence en matière d’opération à prix minoré est le plus souvent défavorable au contribuable :
- S’agissant des cessions de titres à prix minoré :
La valeur d’inscription des titres cédés pour un prix minoré peut être rehaussée par l’administration, conduisant à une augmentation d’actif net imposable pour le cessionnaire
Conseil d’Etat, 3e et 8e ss-sect., 5 janvier 2005, n° 254556, Sté Raffypack
- S’agissant d’apports en nature :
Si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est pas toutefois le cas lorsque la valeur d’apport des immobilisations, comptabilisée par l’entreprise bénéficiaire de l’apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées à l’entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l’actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit.
Conseil d’Etat, plénière. 9 mai 2018, n° 387071, Sté Cérès
Dans le cas d’espère, le Conseil d’Etat semble donc prendre le contrepied de sa jurisprudence traditionnelle.
Toutefois, selon le juge, cette différence de traitement est justifiée par le fait que, lors d’un apport en numéraire, aucun actif n’est inscrit au bilan de la société bénéficiaire de l’apport, si ce n’est le numéraire correspondant au prix de souscription. Il ne pouvait donc y avoir sous-estimation de la valeur de l’actif reçu, un apport d’argent ne pouvant avoir d’autre valeur que sa valeur nominale.
Par conséquent, en l’absence d’une telle sous-estimation, aucune variation d’actif net ne pouvait être constatée. La rectification du résultat imposable de la société émettrice des ABSA était donc sans fondement.
Compte tenu de l’argumentation développée par le juge, il est légitime de penser que cette position jurisprudentielle sera transposable à tout type d’apports en numéraire, et non pas uniquement aux émissions d’ABSA.
Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 21 octobre 2020, N°429626, SA Elior Groupphi