11/02/2022

Hébergeurs : diligents dans la modération des contenus illicites vous serez !

La diligence de l’hébergeur (ou son inertie) dans la modération des contenus illicites peut être valablement prouvée par l’intermédiaire des mesures d’instruction de l’article 145 du code de procédure civile obligeant l’hébergeur à communiquer des informations relatives à la mise en œuvre de ses obligations. 

 

Twitter, comme tout hébergeur dont l’activité est de mettre à disposition du public et ce même gratuitement des services de communication au public en ligne, de stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par les destinataires de ces services de communication, n’est pas tenu d’une obligation générale de surveillance des contenus mis en ligne par ses utilisateurs au titre de l’article 6 de la LCEN.  

 

Néanmoins dans le cadre de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, du terrorisme, de la discrimination, de l’incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, tout hébergeur doit respecter 3 obligations principales :  

 

  • Mettre en place un dispositif de signalement facilement accessible et visible des contenus illicites. 
  • Informer les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites. 
  • Rendre publics les moyens qu’il consacre à la lutte contre les activités illicites. 

 

UEJF, SOS Homophobie, SOS Racisme et AIPJ, auxquelles se sont jointes également le MRAP et la LICRA, ont assigné Twitter et demandé la désignation d’un expert afin de réaliser des mesures d’instruction, ayant pour objectif l’établissement et la conservation de preuves avant tout procès du non-respect par Twitter de son obligation de modération de contenus illicites. 

 

Ces mesures d’instruction avaient notamment pour objet la communication de divers documents relatifs à la modération exercée par Twitter sur sa plateforme : des données matérielles et humaines sur les moyens affectés au traitement des signalements de contenus par ses utilisateurs, le nombre de signalements, les critères de retrait ou encore le nombre de transmissions aux autorités publiques compétentes au cours des 3 dernières années.  

 

S’opposant à la communication de ces éléments, Twitter a en vain soulevé différents arguments tels que le droit de ne pas s’auto-incriminer puisqu’un manquement aux obligations issues de la LCEN est sanctionné pénalement, le défaut de motif légitime justifiant le recours aux mesures d’instruction permises par l’article 145 du code de procédure civile des associations, ou encore que la LCEN ne précise pas l’ampleur des obligations des hébergeurs quant à la modération de contenus et l’allocation de moyens à celle-ci. La Cour rejette ces arguments, qui importent peu au regard de la future action des associations en responsabilité civile. Et ce d’autant plus à ce stade de la procédure et en tant qu’hébergeur, Twitter a des obligations renforcées en matière de lutte contre les contenus illicites quand bien même la LCEN ne précise pas le contenu des obligations à sa charge.  

 

La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du Tribunal judiciaire, qui avait ordonné la communication des documents sollicités par les associations. Les associations ayant sollicité des mesures d’instruction in futurum en vue d’une action en responsabilité civile, et non pénale, de Twitter, la Cour reconnaît qu’elles disposent d’un motif légitime “à partir du moment où éléments factuels produits sont suffisamment plausibles”. Ces associations produisaient à l’appui de leur demande de mesures d’instruction : un testing, une enquête, plusieurs procès-verbaux d’huissier de constatant à différents intervalles temporels des contenus illicites signalés et non supprimés de Twitter ainsi que des attestations d’utilisateurs visés par ces contenus illicites. Les mesures sollicitées par les associations sont justifiées. 

La Cour a confirmé la réunion des critères d’application de l’article 145 du Code de procédure civile pour obtenir communication des pièces justificatives relatives à la mise en œuvre de l’obligation de modération de contenus illicites, obligation incombant aux hébergeurs. 

Cour d’appel de Paris, pôle 1 – ch. 2, arrêt du 20 janvier 2022