30/07/2019

La consécration du devoir de loyauté intragroupe

Faits

Une société par actions simplifiée à conseil d’administration contrôle 3 filiales.

Le conseil d’administration de la société mère décide que ses deux actionnaires majoritaires seraient nommés à la présidence ou à la direction générale des trois filiales.

Toutefois, en contradiction avec cette décision, deux membres du conseil d’administration de la société mère, par ailleurs membres des conseils d’administration des filiales, s’opposèrent à la nomination d’un des deux actionnaires majoritaires aux organes de direction des filiales, et furent élu à leur place.

Invoquant un manquement de ces deux administrateurs à leur devoir de loyauté en qualité d’administrateurs de la société mère, cette dernière les assigna en paiement de dommages-intérêts.

Procédure et analyse

Les demandes de la société mère sont accueillies par la Cour d’appel de Bordeaux en date du 13 février 2017, considérant que les administrateurs sont tenus au respect des décisions collectives prises régulièrement et non entachées d’abus de droit.

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel le 22 mai 2019 (pourvoi n°17-13.565), au motif que « si l’administrateur d’une société exerce en principe librement son droit de vote, dans l’intérêt de la société, le devoir de loyauté auquel l’administrateur d’une société-mère est tenu à l’égard de celle-ci l’oblige, lorsqu’une décision est votée par le conseil d’administrateur de cette société, à voter dans le même sens au sein du conseil d’administration de la filiale, sauf lorsque cette décision est contraire à l’intérêt social de cette filiale ».

Cette décision consacre, de façon totalement inédite, le devoir de loyauté intragroupe en posant, sur le fondement du devoir de loyauté du dirigeant, l’obligation pour l’administrateur tant de la mère que de sa filiale, de voter au sein de ladite filiale dans le sens arrêté par la société mère.

La restriction à la liberté de vote de l’administrateur comporte toutefois une limite importante qui justifie ici la cassation de l’arrêt d’appel : le respect de l’intérêt social de la filiale.

Cette décision conduit ainsi à coordonner l’intérêt de la filiale et l’intérêt de la société mère, et contribue à la création d’un droit français des groupes de société conciliant deux principes : l’autonomie de la filiale vis-à-vis de sa société-mère, et le contrôle par celle-ci de sa filiale, étant rappelé qu’en cas d’incompatibilité, l’intérêt social de la filiale devra l’emporter.