La tant attendue transposition du « paquet marques » : la France a émis une ordonnance
Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services
Le 15 décembre 2015, le Parlement européen adoptait la réforme dite « Paquet Marques » après plusieurs années de négociations, avec pour objectif de « mettre en place un marché intérieur performant » et de « faciliter l’acquisition et la protection de marques au bénéfice de la croissance et de la compétitivité des entreprises européennes ».
A cette fin, le Paquet Marques comprenait l’adoption :
- du Règlement (UE) 2015/2424 relatif à la marque de l’Union européenne, entré en vigueur le 23 mars 2016 et pleinement effectif depuis le 1er octobre 2017 ;
- de la Directive 2015/2436 concernant les marques nationales.
C’est ce dernier texte qui devait pour l’essentiel de ses dispositions, faire l’objet d’une transposition par chacun des Etats membres au plus tard le 14 janvier 2019. Avec un léger décalage, un projet d’ordonnance avait été proposé par le gouvernement français le 15 février 2019, et soumis à consultation publique jusqu’au 20 mars dernier.
Après des mois d’attente, c’est ce mercredi 13 novembre, en application de l’article 201 de la « Loi PACTE », que l’Ordonnance n° 2019-1169 relative aux marques de produits ou de services a finalement été prise par le gouvernement français et vient modifier le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI). Les principales modifications sont les suivantes :
* Instauration d’une procédure administrative en matière d’actions en nullité et déchéance de marques (Article L.411-1). Auparavant exclusivement de la compétence des tribunaux, les actions en nullité et déchéance de marques formées à titre principal sont désormais du ressort de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Les recours contre les décisions du Directeur de l’INPI dans le cadre de telles procédures seront suspensifs et de la compétence des Cours d’Appel.
* Suppression de l’exigence de représentation graphique du signe (Article L.711-1). Dorénavant, peut constituer une marque un signe apte à être représenté dans le registre national des marques dès lors que l’objet de la protection peut en être clairement et précisément déterminé. Cet assouplissement devrait permettre l’enregistrement à titre de marque de signes dits « non traditionnels », à savoir non susceptibles de représentation graphique, mais pouvant être représentés par de nouveaux moyens techniques (notamment dans des fichiers audio, vidéo ou audiovisuels).
* Extension des motifs de refus d’enregistrement ou constitutifs de nullité (Article L.711-2). Ainsi, si les signes contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou encore les signes trompeurs quant à la nature, la qualité ou la provenance du produit ou du service étaient déjà exclus de l’enregistrement, l’ordonnance ajoute comme motif de refus d’enregistrement ou cause de nullité les contrariétés aux droits suivants :
– les appellations d’origine ;
– les indications géographiques ;
– les mentions traditionnelles pour les vins et les spécialités traditionnelles garanties ;
– les dénominations de variétés végétales antérieures enregistrées ;
– les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant.
* Reconnaissance de nouveaux droits antérieurs auxquels la marque ne doit pas porter atteinte pour être disponible (Article L.711-3) et modifications de la procédure d’opposition (Article L.712-4). Jusqu’à présent réservée aux titulaires de marques antérieures ou aux bénéficiaires d’un droit exclusif d’exploitation, aux collectivités territoriales et aux personnes habilitées à défendre des indications géographiques, une opposition pourra désormais être engagée sur un ou plusieurs fondements dont notamment : dénomination sociale, nom commercial, ou nom de domaine.
En outre, l’article 15 prévoit que l’ordonnance entre en vigueur à la date d’entrée en vigueur du décret pris pour son application et au plus tard le 15 décembre 2019, dans le but de permettre une date d’entrée en vigueur commune pour l’ensemble des dispositions.
Les dispositions relatives à la procédure administrative de nullité et de déchéance entrent, quant à elles, en vigueur le 1er avril 2020.
Cette réforme de notre droit national, de loin la plus importante en matière de marques depuis la loi de 1991 transposant la Directive de 1988 va sans nul doute bouleverser le paysage des marques françaises. L’opération de « grand nettoyage » du Registre National ne fait que commencer…