24/04/2019

L’affaire des couteaux Laguiole, les juges ont enfin tranché !

Dans un arrêt en date du 5 mars 2019, la Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques LAGUIOLE pour dépôt frauduleux et atteinte aux droits antérieurs de la commune du même nom.

La commune de Laguiole est connue pour ses couteaux au manche siglé d’une abeille, fabriqué depuis le 19ème siècle principalement à Thiers (Puy-de-Dôme).

Dès 1993, Gilbert Szajner a déposé une vingtaine de marques LAGUIOLE comportant ce signe parfois combiné au dessin emblématique d’une abeille pour désigner des couteaux mais également divers produits tels que du linge de maison, des vêtements, de la maroquinerie, des engrais, sans lien avec la commune de Laguiole.

Aussi, il a concédé l’exploitation de ces marques à des sociétés françaises et étrangères au moyen de contrats de licences permettant aux sociétés de commercialiser les produits sous le nom Laguiole.

Estimant faire l’objet d’une spoliation en raison du nombre de dépôts de marques reprenant son nom, la commune de Laguiole a saisi le TGI de Paris en 2010 pour faire condamner les titulaires de ces marques (Gilbert Szajner, son fils et la société Laguiole) sollicitant notamment la nullité desdites marques.

Le 13 septembre 2012, le TGI de Paris a débouté la commune de sa demande et ce jugement fût confirmé par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 4 avril 2014.

Le 4 octobre 2016, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris.

La question posée dans cet arrêt était notamment celle de la nullité des marques LAGUIOLE déposées.

Le 5 mars 2019, la Cour d’appel de Paris a prononcé l’annulation des marques litigieuses déposées pour dépôt frauduleux et atteinte aux droits antérieurs de la commune.

Le dépôt frauduleux des multiples marques LAGUIOLE

La Cour d’appel de Paris a rappelé que les noms géographiques, en particulier ceux d’une commune, peuvent constituer un signe servant à désigner les produits ou services constitutifs d’une marque (article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle) sauf si le déposant agit dans un but frauduleux.

Elle en a déduit que les dépôts multiples de marques LAGUIOLE pour des activités identiques ou similaires à celles de la commune ou de ses administrés sans lien de rattachement avec la commune de Laguiole, et l’opposition par les titulaires aux dépôts de marques comportant le terme Laguiole effectués par ceux-ci, caractérisent des dépôts frauduleux dans la mesure où ils s’inscrivent dans une stratégie commerciale visant à priver la commune et ses administrés de l’usage de son nom.

L’atteinte aux droits antérieurs de la commune Laguiole

La Cour d’appel a précisé que l’adoption à titre de marque d’un nom géographique est licite (article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle) sauf si ce signe porte atteinte à des droits antérieurs et en particulier au nom, à l’image ou la renommée d’une commune (exception posée à l’article L711-4 du même code).

Elle en a déduit que l’usage du nom Laguiole porte atteinte à la réputation de la commune dès lors que  les produits commercialisés ne sont pas fabriqués à Laguiole et que certains sont même fabriqués en Chine ou au Pakistan et ce alors qu’une partie de l’argumentaire commerciale de titulaires reposent sur l’histoire et les légendes de la commune.