09/03/2022

L’arbitre est-il autant protégé que les joueurs sur le plan de la responsabilité civile ?

Cour d’appel de Rennes, 8 oct. 2021, n°18/02457

L’arbitre d’un match de football blessé après avoir reçu le ballon en pleine tête saisi les juridictions d’une demande d’expertise médicale et de provisions à valoir sur son préjudice définitif.

Sans surprise la Cour d’appel de Rennes écarte la théorie de l’acceptation des risques et précise que l’article L. 321-3-1 du Code du sport exclut du champ de l’indemnisation seulement les « dommages matériels », et non les dommages corporels. Sans surprise également, elle considère que l’arbitre n’a commis aucune faute dès lors qu’il devait se trouver au plus près du ballon et qu’il ne pouvait pas l’esquiver en raison de la puissance du tir.

La Cour d’appel de Rennes retient ainsi la responsabilité du joueur auteur du tir en tant que gardien du ballon.

On peut s’étonner que l’assureur du joueur n’ait pas invoqué la « garde collective » de la chose pour contester le droit à indemnisation de la victime.
En effet, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt précédent « qu’au cours d’un jeu collectif comme le football, qu’il soit amical ou pratiqué dans une compétition officielle, tous les joueurs ont l’usage du ballon mais nul n’en a individuellement le contrôle et la direction ; que l’action qui consiste à taper dans le ballon pour le renvoyer à un autre joueur ou dans le but ne fait pas du joueur qui détient le ballon un très bref instant le gardien de celui-ci ; que le joueur qui a le ballon est contraint de le renvoyer immédiatement ou de subir les attaques de ses adversaires qui tentent de l’empêcher de le contrôler et de le diriger, en sorte qu’il ne dispose que d’un temps de détention très bref pour exercer sur le ballon un pouvoir sans cesse disputé » (Civ. 2e, 13 janvier 2005, n°03-12.884). Cette théorie de la garde en commun permet d’écarter l’application du régime de la responsabilité du fait des choses entre les joueurs, lesquels sont considérés comme co-gardiens du ballon.

On ne voit pas ce qui peut faire obstacle à la revendication de cette théorie s’agissant d’un dommage causé par le ballon non pas à un coéquipier ou à un adversaire mais à l’arbitre du jeu.

L’impossibilité, selon la Cour de cassation, de caractériser un pouvoir de garde exclusive du joueur qui frappe le ballon vaut en effet dans un cas comme dans l’autre. À moins de se placer du point de vue de la victime et de considérer alors que l’arbitre ne saurait être regardé comme le co-gardien du ballon dans la mesure où, contrairement aux joueurs, il n’a pas vocation à le disputer. À s’en tenir à cette approche, il en irait ainsi de même pour un dommage causé à un spectateur.