15/04/2019

L’attrait des JOL/JOLCO face aux exigences du droit bancaire japonais applicables aux établissements de crédit étrangers

La notion de monopole bancaire reste centrale dans le paysage bancaire français, même si chacun peut s’interroger sur son utilité ou sa pertinence. Le monopole bancaire se caractérise par l’interdiction faite à toute personne autre que celles autorisées à accomplir des opérations de banque d’offrir et d’effectuer de telles opérations sur le territoire français ou dans un contexte offrant certains rattachements avec la France. La notion d’opération de crédit, très large, constitue une notion générique qui recouvre une grande variété d’opérations.

Ces opérations ne sont soumises au monopole bancaire que si elles sont effectuées à titre onéreux et habituel (l’habitude commençant ici dès la deuxième opération). Certes, la loi française connait un certain nombre d’exceptions au monopole d’octroi du crédit, mais la logique reste celle de l’interdiction de l’octroi de crédit par des personnes non habilitées, sauf exceptions (crédit intra groupe, par exemple).

Dans ce contexte, les établissements français ne seront pas étonnés de lire que des règles approchantes existent dans d’autres pays, y compris ceux dans lesquels certaines transactions sont réputées très attractives car fortement rémunératrices compte tenu du faible risque.

Le Japon offre depuis environ deux décennies, au travers du Japanese Operating Lease (JOL) et du Japanese Operating Lease with Call Option (JOLCO), des structures particulièrement fiables et rémunératrices, très populaires dans les domaines du financement aéronautique et, plus récemment, du financement maritime.

1. Mécanisme

Un sponsor crée au Japon une société ad hoc (special purpose vehicle – SPV), laquelle fait l’acquisition d’un actif (avion ou navire). Cette SPV est détenue par des investisseurs japonais à forte capacité contributive, qui financent une part comprise entre 20% et 30% du prix d’acquisition. En contrepartie, et en application du droit fiscal japonais, ils bénéficient d’un type d’amortissement dérogatoire et réduisent ainsi leur base d’imposition.

La fraction restante – 70 à 80% du prix d’acquisition – est quant à elle financée auprès d’établissements bancaires, au moyen de prêts hypothécaires.

Le SPV conclut un contrat de location ou d’affrètement avec une compagnie aérienne ou un armateur, permettant à ce dernier de bénéficier d’un financement total (investissement et dette). Le coût de l’opérateur est faible pour le preneur car les investisseurs sont d’avantages intéressés par l’avantage fiscal tiré de l’opération que par son rendement. Ce contrat de location / affrètement prévoit, outre le paiement d’un loyer à la SPV, une option d’achat permettant au preneur d’acquérir l’actif lorsque l’ensemble des emprunts bancaires sont remboursés. Contrairement aux investisseurs, le preneur peut être une société internationale ; ce qui explique la part importante du Japon sur le marché international du financement aéronautique.

2. Le cadre réglementaire japonais appliqué aux JOL/JOLCO

Les établissements financiers souhaitant participer à ces transactions peuvent endosser les qualités traditionnelles des banques en matière de financement : prêteur, arrangeur, cessionnaire (transferee ou assignee), sous-participant (en risque et/ou en trésorerie), agent du crédit (facility agent), banque de couverture (hedging bank) et/ou agent des sûretés (security agent).

Dans ce cadre, lesdits établissements doivent-ils obtenir une licence ou toute autre autorisation réglementaire pour effectuer ce type de transaction au Japon (et pour faire respecter leurs droits) ?

i. En qualité de préteur

La réalisation d’opérations de crédit à titre habituel sur le territoire japonais suppose un enregistrement en application de l’article 3 paragraphe 1 du Money Lending Business Act (ci-après MLBA).

L’une des conditions posée par le MLBA au demandeur à enregistrement est que ce dernier projette d’établir un ou plusieurs bureaux ou filiales sur le sol japonais.

Ainsi, la légalité pour une banque étrangère d’étendre ses contrats de prêt à des résidents ou des sociétés japonaises reste incertaine. Cette problématique est peu débattue et la Japanese Financial Service Agency (JFSA) n’a pas fixé de ligne directrice entre ce qui est légal et illégal.

Néanmoins la JFSA semble avoir pour position que le démarchage et autres activités au Japon par des banques étrangères sont soumises aux règles financières japonaises. La frontière entre le in et le out au Japon demeure néanmoins  peu claire, en particulier pour les contacts en dehors du Japon via appels téléphonique, emails, etc. Il est donc conseillé d’adopter une approche prudente et de considérer qu’une banque étrangère non enregistrée n’est autorisée à participer à des contrats de crédit avec des résidents japonais ou entreprises japonaises qu’à la condition que ladite banque étrangère effectue ses activités entièrement en dehors du Japon.

Il serait même préférable que l’établissement étranger non enregistré n’effectue aucune transaction avec des résidents ou sociétés japonaises au moyen de comptes bancaires ouverts au Japon afin qu’aucun point de rattachement avec le Japon ne puisse être établi et que les activités ne soient pas considérées comme ayant lieu au Japon. Ce type d’incertitude n’est d’ailleurs pas sans rappeler les difficultés à circonscrire les critères permettant d’établir si une opération relève ou non du monopole bancaire français.

ii. En qualité d’arrangeur

L’arrangeur de crédits syndiqués japonais doit également faire l’objet d’un enregistrement en application du MLBA. En effet, les activités d’intermédiaires aux opérations de crédit tombent dans le champ d’application du MLBA ; ce qui explique la nécessité d’être enregistré.

Il n’existe aucune exception dès lors qu’il agit au Japon.

iii. En qualité de cessionnaire (transferee ou assignee)

Aucune licence ne semble être requise pour agir en tant que cessionnaire dans les opérations de crédits à moins qu’il ne soit démontré, par une prise en compte des faits et circonstances d’espèce, que le but de ces cessions soit de se soustraire à l’obligation d’enregistrement.

Cet abus de droit n’est défini par aucun texte. Le caractère répétitif des opérations semble néanmoins constituer un indice pertinent. Si la participation à une transaction ne devrait pas être constitutive d’un détournement de l’obligation d’enregistrement, une participation répétée à des JOLCO sans licence présenterait ainsi un risque conséquent.

iv. En qualité de sous-participant

La sous participation en trésorerie ne semble pas nécessiter l’obtention d’une licence. Selon l’article 2 paragraphe 1 du MLBA, l’opération de prêt inclus le fait de prêter des fonds au moyen d’instruments négociables, la vente d’actifs avec obligation de rachat ou toute méthode assimilée. La sous-participation en trésorerie ne rentre pas dans cette définition puisque le chef de file est simplement obligé de transférer au sous-participant le principal et les intérêts versés par le créancier.

En revanche, la sous-participation en risque requerrait une licence. En effet, la subrogation du sous-participant dans les obligations du créancier lors de la défaillance de ce dernier crée un rapport de droit entre le prêteur et le sous-participant, qui relèverait alors de la législation du MLBA.

v. En qualité d’agent de crédit

Aucune licence ou autre autorisation n’est requis pour agir en qualité d’agent. Il reste toutefois nécessaire de prêter une attention particulière à la définition d’agent au Japon puisque son rôle lui interdit d’intervenir dans les négociations ou dans l’exécution des contrats de crédits : l’agent ne peut en effet être qu’en charge du travail administratif découlant l’exécution des contrats.

Si sa mission implique le maniement de fonds, il est possible que l’agent soit alors considéré comme un intervenant à la transaction ; ce qui suppose une licence conformément au Banking Act of Japan (No. 59, 1981, tel qu’amendé).

vi. En qualité de Banque de couverture (Hedging Bank)

Afin de pouvoir conclure des contrats dérivés de gré à gré (OTC derivatives) tels que les swaps de taux d’intérêts ou les swaps de devises de manière habituelle sur le territoire japonais, une inscription en tant que Financial Instrument Business Operator de type 1 (statut de courtier) auprès de la JFSA est requise conformément à l’article 29 du Financial Instruments and Exchange Act (FIEA).

L’article 29-4 du FIEA pose comme condition à cette demande d’inscription que le demandeur soit établit au Japon, à minima au travers de bureaux.

Néanmoins, en application de l’article 2 paragraphe 8 du FIEA, aucun enregistrement n’est nécessaire lorsque le cocontractant relève d’une des catégories suivantes :

 – Financial Instruments Business Operator de type 1 ou Registered Financial Institution (tel que les banques japonaises ou compagnies d’assurance) ;

 – Qualified Institutional Investors en application du FIEA ;

 – entité ayant un statut analogue aux statuts mentionnés ci-dessus en application d’une législation étrangère ;

 – société par actions dont le capital est supérieur à 1 milliard de yen ;

 – certaines autres personnes/entités désignées par la commission JFSA.

Par conséquent, si l’emprunteur possède un capital social égal ou supérieur à 1 milliard de yen, il n’est pas nécessaire que l’établissement étranger soit enregistré en tant que Financial Instrument Business Operator de type 1.

vii. En qualité d’agent des sûretés (security agent)

Le droit japonais a pour principe que les sûretés doivent être détenues par les créanciers et non par des agents agissant pour leur compte. Par voie de conséquence, il ne serait pas possible pour un agent des sûretés de détenir des intérêts pour le compte des créanciers. Au Japon, un agent des sûretés ne peut effectuer que des tâches administratives.

Ce qui précède ne doit bien entendu pas être considéré comme un avis de droit japonais mais plutôt comme une interrogation sur certaines pratiques bancaires lorsqu’il s’agit de JOL/JOLCO, ces opérations suscitant beaucoup d’intérêt de la part des établissements bancaires européens.

Les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Les prêts d’argent, les découverts en compte, les ouvertures de crédit, les opérations de mobilisation de créances, l’affacturage et les opérations de cession de créances non échues.

Lorsqu’un contrat de crédit est soumis à un droit étranger qui reconnait la validité et le caractère exécutoire des dettes parallèles (par lequel l’emprunteur convient de payer à l’agent des sûretés un montant égal au montant dû aux créanciers et payable à la date de la dette), l’emprunteur peut payer des intérêts à un agent des sûretés même lorsque le prêt porte sur des actifs japonais. Cela n’est pas possible lorsque le contrat est soumis au droit japonais ; ce dernier ne reconnaissant pas actuellement le mécanisme de dettes parallèles.

Si un contrat de prêt est régi par une loi étrangère qui reconnaît la validité et la force exécutoire d’une parallel debt (en vertu de laquelle l’emprunteur s’engage à payer à l’agent de sécurité un montant égal au montant dû aux prêteurs et payable à la date d’échéance de la dette), l’emprunteur peut accorder une sûreté réelle sur des actifs au Japon en faveur de l’agent de sécurité, conformément à la loi japonaise. Si le contrat de prêt est régi par la loi japonaise, il n’y a pas d’opinion dominante sur la validité et le caractère exécutoire de la parallel debt.