Le droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse est désormais applicable
La Directive 2019/790 sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique a suscité de nombreux débats, notamment cristallisés sur le contenu de l’article 15 (anciennement article 11, voir notre brève publiée le 5 février dernier sur ce sujet) visant à créer un droit voisin pour les éditeurs et agences de presse. Cet article ambitionne de rééquilibrer la chaîne de valeur en mettant à contribution les plateformes numériques dans le financement des médias en cas de réutilisation des articles de presse et de photographies sur internet.
Malgré l’opposition d’un important lobbying des géants du web (Google, Facebook, LinkedIn, Twitter, etc.), la Directive a été définitivement adoptée le 15 avril 2019 en conservant ce droit voisin, et la France est le premier pays de l’Union européenne à la transposer sur ce point.
La loi n°2019-775 du 24 juillet 2019 introduit au sein du Code de la propriété intellectuelle (CPI) un chapitre intitulé « Droit des éditeurs de presse et des agences de presse » qui insère les nouveaux articles L.218-1 et suivants. Ces dispositions, applicables depuis le 24 octobre dernier, précisent le champ d’application et le régime de ce nouveau droit voisin.
Les publications de presse
Ce nouveau droit voisin s’applique aux publications de presse définies par le nouvel article L.218-1 du CPI comme :
- une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique
- constituant une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique, dans le but de fournir au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets publiées, sur tout support,
- à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle des éditeurs de presse ou d’une agence de presse.
Les titulaires sont clairement désignés comme étant les agences et les éditeurs de presse, respectivement définis à la loi n° 86-897 du 1er août 1986 et à l’ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945.
Exclusions
Ce droit voisin ne concerne pas :
- les publications scientifiques et universitaires (art. L.218-1 CPI);
- les hyperliens (L.211-3-1, 1° CPI);
- les mots isolés ou les très courts extraits d’une publication de presse (L.211-3-1, 2° CPI).
S’agissant de cette dernière exception, il n’est pas précisé de seuil permettant de déterminer ce qu’est un court extrait. L’article L.211-3-1, 2° CPI précise uniquement que l’exception ne s’applique pas dès lors que l’utilisation de très courts extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou dispense le lecteur de s’y référer.
Nécessité d’obtenir l’autorisation des titulaires
Avant toute reproduction, mise à disposition du public, échange, louage ou communication au public de tout ou partie de leurs productions de presse, il est désormais nécessaire de recueillir l’autorisation des agences de presse ou des éditeurs (L.218-2 CPI), soit par cession ou par le biais d’une licence (art. L.218-3 CPI).
Les agences et éditeurs de presse ont la possibilité de confier leur gestion à un ou plusieurs organismes de gestion collective (art. L. 218-3 CPI).
Rémunération
La rémunération due au titre des droits voisins est assise sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes (art. L.218-4 CPI). La rémunération peut également être évaluée forfaitairement lorsque la base de calcul ne peut être pratiquement déterminée, ou lorsque les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut, ou encore lorsque les frais générés par un tel calcul ou contrôle sont hors de proportion avec les résultats à atteindre (art. L.218-4 al. 1 CPI, renvoyant à l’art. L. 131-4 CPI).
La fixation du montant de la rémunération prend notamment en compte les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l’information politique et générale et l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne (art. L.218-4 al. 2 CPI).
Il est à noter que les journalistes sont également associés à ce nouveau revenu, puisqu’ils ont droit « à une part appropriée et équitable de la rémunération », qui devra être fixée par accord d’entreprise (art. L.218-5 CPI).
Durée de la protection
La durée de ce droit voisin est de deux ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication (L.211-4 CPI).