28/05/2019

Le silence gardé par le cédant de droits sociaux sur des informations dont il ne pouvait ignorer l’importance est nécessairement intentionnel

Faits

Une société d’édition, souhaitant adjoindre à son activité une agence de publicité comprenant une équipe compétente en matière de création publicitaire ainsi qu’un accès direct à une clientèle d’annonceurs, acquiert 90% du capital social et des droits de vote d’une autre société.

L’acquéreur apprend rapidement qu’une seconde société, dont la dirigeante est la compagne du cédant, dispose du contact exclusif avec la clientèle d’annonceurs, et que la société cédée n’a qu’un rôle de prestataire réalisant des prestations techniques commandée par son unique client, la société dirigée par la compagne du cédant.

L’acquéreur, s’estimant avoir été trompé par le cédant, assigne ce dernier afin de voir annuler la vente sur le fondement du dol, et plus particulièrement de la réticence dolosive du cédant, lequel a selon l’acquéreur intentionnellement dissimulé un fait qui, s’il avait été connu de la société d’édition, l’aurait empêché de contracter.

Procédure et analyse

Les demandes de l’acquéreur sont rejetées par la Cour d’appel de Paris, considérant qu’il ne rapporte pas la preuve que le cédant a intentionnellement omis de l’informer de l’existence de la seconde société, des liens personnels qu’il entretenait avec sa dirigeante, et la dépendance économique dans laquelle se trouvait la société cédée.

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel le 9 janvier 2019 (pourvoi n°17-28.725) et vient reconnaître l’existence d’une réticence dolosive justifiant l’annulation de la cession en retenant que la rétention du cédant était nécessairement intentionnelle en ce qu’il ne pouvait ignorer l’importance de ces informations pour l’acquéreur, dans la mesure où elles faisaient peser un aléa sur la pérennité de la société cédée.

Cette solution rendue sous l’empire du droit antérieur à la réforme du droit des obligations de 2016, est à rapprocher de la nouvelle obligation d’information précontractuelle introduite formellement par ladite réforme à l’article 1112-1 du Code civil, lequel dispose : « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Cet arrêt procède d’un revirement de jurisprudence de la part de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en ce qu’elle exigeait auparavant du demandeur de prouver non seulement l’existence du manquement au devoir d’information, mais également le caractère intentionnel de ce manquement.

En considérant que le silence du cédant sur ces informations « dont il ne pouvait ignorer l’importance » était nécessairement intentionnel, la Cour de cassation renverse la charge de la preuve de l’intention dolosive : c’est désormais au cédant de démontrer qu’il a bien fourni à l’acquéreur toutes les informations déterminantes de son consentement dont il était en possession.