Loi de finances 2019 : charges financières
La loi de finances pour 2019 (article 34) procède à une refonte du régime de déductibilité des charges financières pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, applicable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019. Ces nouvelles règles sont issues de la directive ATAD du 12 juillet 2016.
Certains dispositifs limitant la déductibilité des charges financières sont supprimés ou aménagés ; un nouveau dispositif de plafonnement global est créé.
Dispositifs supprimés
L’amendement Carrez (article 209, IX du CGI), qui interdit la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition des titres de participation, à moins que la société acquéreuse soit en mesure de démontrer que le pouvoir de décision sur les titres ainsi que le contrôle de la participation sont exercés soit en France, soit dans un Etat membre de l’Espace Economique Européen, est supprimé. Le dispositif de surcapitalisation des entreprises soumises au régime de la taxe au tonnage est également supprimé (article 209-0, B du CGI).
Détermination des charges financières nettes soumises au plafonnement
Les charges financières nettes soumises au nouveau dispositif de plafonnement s’entendent de la différence entre les charges financières et produits financiers constatés au cours d’un exercice. Les charges et produits financiers concerné sont énumérés par le Code de façon non limitative ; leur champ est vaste et similaire à celui du « rabot » en place jusqu’ici.
Les charges financières à prendre en compte sont déterminées après application des dispositifs du taux maximum des intérêts déductibles (article 39, 1, 3e et article 212, I du Code général des impôts pour les intérêts servis à des entités liées) et de la non-déductibilité des intérêts servis à une société liée soumise à un impôt sur les bénéfices dont le montant est inférieur à 25% du taux de l’IS français (article 212, I du CGI).
Les charges financières nettes ainsi déterminées sont soumises aux nouveaux plafonnements mis en place.
Nouvelle règle de plafonnement général
La nouvelle règle de limitation de la déduction des intérêts se substitue à l’ancien dispositif du plafonnement général des charges financières (dispositif dit du « rabot ») ; le dispositif est institué à l’article 212 bis du CGI (et corrélativement à l’article 223 B bis du CGI pour les règles spécifiques à l’intégration fiscale : cf. infra).
Il est ainsi instauré, pour toutes les sociétés et organismes soumis à l’IS de plein droit ou sur option, non membres d’un groupe fiscalement intégré, un plafonnement de la déduction des charges financières nettes (telles que définies supra) au plus élevé des montants suivants :
– 30% de l’Ebitda Fiscal (i.e. résultat fiscal avant impôt, intérêts, provisions et amortissements et donc avant application du dispositif de plafond des charges financières), et
– 3 M €.
Le montant des charges financières déductibles ainsi déterminé fait l’objet de correctifs qui dépendent de l’appartenance ou non à un groupe et de l’éventuelle situation de sous-capitalisation de l’entité concernée.
Déduction supplémentaire spécifique aux entreprises membres d’un groupe consolidé
Pour les entreprises membres d’un groupe consolidé, une déduction complémentaire de 75 % du montant des charges financières nettes qui n’ont pas pu faire l’objet d’une déduction en application du plafonnement général est possible lorsque le ratio entre les fonds propres de l’entreprise et ses actifs est égal ou supérieur à ce même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé auquel elle appartient (article 212 bis, VI modifié du CGI).
Toutefois, cette déduction complémentaire ne s’applique pas si l’entreprise est sous-capitalisée, sauf si elle peut établir que son ratio d’endettement (dettes/ fonds propres) est inférieur ou égal au ratio d’endettement de son groupe consolidé.
Règles applicables en cas de sous-capitalisation
Le dispositif actuel de lutte contre la sous-capitalisation (article 212, II du CGI) a été modifié en profondeur par la loi de finances pour 2019.
La notion de la sous-capitalisation, qui était jusqu’alors caractérisée par le dépassement cumulatif de trois ratios (ratio d’endettement, ratio de « couverture d’intérêts » et ratio d’intérêts servis par les entreprises liées), est désormais constituée en cas de dépassement du seul ratio d’endettement (i.e., lorsque l’endettement de la société vis-à-vis d’entreprises liées est supérieur à une fois et demie le montant de ses fonds propres).
Lorsqu’une sous-capitalisation est caractérisée, la société doit appliquer deux plafonnements :
– le premier correspond aux intérêts servis à des entreprises non liées ainsi qu’à ceux servis à des entreprises liées pour des créances n’excédant pas 1,5 fois ses fonds propres, dont la déduction est limitée à 30 % de l’Ebitda fiscal ou trois millions d’euros si ce montant est supérieur (ces deux plafonds étant proratisés par rapport au montant des créances concernées) ;
– le second s’applique aux intérêts servis aux entreprises liées excédant 1,5 fois ses fonds propres, pour lesquels la déduction est limitée à 10 % de l’Ebitda fiscal, ou 1 million d’euros si ce montant est supérieur (ces deux plafonds étant identiquement proratisés).
Mécanismes de report des charges financières
Autre nouveauté, le dispositif prévoit deux mécanismes de report.
D’une part, l’article 212 bis, VIII du CGI prévoit un mécanisme de report intégral des charges financières non admises en déduction après application des plafonds de droit commun, et un report pour un tiers de leur montant des charges financières non admises en déduction en application du deuxième plafond prévu en cas de sous-capitalisation (10 % de l’Ebitda fiscal ou un million d’euros proratisés) ; le report est possible sans limite de temps.
Par ailleurs, un mécanisme de report de la capacité de déduction inemployée sur les cinq exercices suivants est prévu.
Règles applicables en cas d’intégration fiscale
Pour les groupes fiscalement intégrés, les règles sont similaires à celles applicables hors groupe (article 223 B bis du CGI). Le dispositif de limitation des charges financières nettes ne s’applique toutefois que pour la détermination du résultat d’ensemble. Le montant des charges financières réelles et les plafonds de droit commun ou de sous-capitalisation (30 % de l’Ebitda fiscal ou trois millions d’euros / 10 % de l’Ebitda fiscal ou un million d’euros) sont déterminés selon les mêmes règles que celles décrites ci-dessus mais au niveau du groupe.
Les entreprises membres d’un groupe intégré peuvent également bénéficier d’une déduction supplémentaire lorsqu’elles appartiennent à un groupe consolidé et que le ratio fonds propres sur actif du groupe intégré est égal ou supérieur à celui du groupe consolidé.
Le mécanisme de réintégration des charges financières exposées pour l’acquisition d’une société auprès d’un actionnaire (personne morale ou physique) qui contrôle le groupe en vue de son intégration, plus connu sous l’appellation « amendement Charasse » (article 223 B, alinéa 6 du CGI), est maintenu.
Enfin, les groupes intégrés bénéficient également des mécanismes de report des charges financières et de la capacité de déduction inemployée.