28/05/2019

Management package et opérations de levier : retour sur le risque fiscal et social

Deux arrêts récents du Conseil d’Etat (15 février 2019, n° 408867) et de la Cour de cassation (2ème chambre civile, 4 avril 2019, n° 17-24.470) reviennent sur le risque fiscal et social des management packages mis en place lors d’opérations de LBO pour intéresser les dirigeants et salariés clés des sociétés reprises.

Conseil d’Etat, 15 février 2019 : Convention de partage de plus-value et risque fiscal

L’affaire intéressant le Conseil d’Etat concernait le traitement fiscal des gains retirés par un dirigeant à la suite de la cession d’une société acquise avec effet de levier, dont le montage comprenait une convention de partage de plus-value, en application de laquelle les fonds ayant investi dans ladite société ont rétrocédé lors de la cession une partie de la plus-value réalisée au dirigeant de la société. Cette rétrocession était indexée sur les résultats de la société, par référence au taux de rentabilité interne, et subordonnée au maintien du dirigeant dans ses fonctions jusqu’à la cession de la société.

L’administration fiscale, considérant que le montant du partage de plus-value retiré obtenu par le dirigeant constituait fiscalement des revenus imposés au titre des traitements et salaires et non pas une plus-value sur cession de titres (à l’imposition plus avantageuse), a redressé ce dernier.

La Cour administrative d’appel a validé le raisonnement de l’administration, position confirmée par le Conseil d’Etat dans une formule de principe : lorsque les sommes en cause trouvent essentiellement leur source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, elles constituent un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires.

Il est par ailleurs à souligner que les juges ont relevé que la circonstance que le dirigeant ait par ailleurs supporté un risque significatif en sa qualité d’actionnaire n’est pas de nature à remettre en cause cette qualification de salaire.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 avril 2019 : Bons de souscription d’actions et risque URSSAF

Cette décision de la Cour de cassation rendue dans le cadre de l’affaire Lucien Barrière était attendue depuis l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 juillet 2017 ayant suscité de l’inquiétude en appliquant les cotisations sociales sur le montant des plus-values constatées sur exercice de bons de souscription d’actions attribués à certains dirigeants dans le cadre d’opérations de LBO, considérant ces revenus comme un avantage attribué en contrepartie d’un travail.

La Cour de cassation censure partiellement l’arrêt de la Cour d’appel et apporte des éclairages intéressants sur le traitement social des BSA :

1. La Cour de cassation indique tout d’abord que, pour que les BSA soient considérés comme un avantage, les salariés et/ou dirigeants se voyant attribués des BSA doivent avoir bénéficié de « conditions préférentielles ». En confirmant qu’en l’espèce, les titulaires de BSA avaient bénéficié d’un avantage alors même que les conditions financières de leur investissement correspondaient aux conditions de marché, la Cour de cassation vient toutefois accréditer la thèse selon laquelle le fait de permettre à un nombre limité de personnes d’investir, malgré le risque financier, constitue par lui-même une condition préférentielle.

2. La Cour de cassation considère ensuite que le montant de l’avantage doit être évalué selon la valeur des titres à la date à laquelle les salariés et/ou dirigeants en ont eu la « libre disposition », et non à la date de cession des titres. De même, la date à laquelle l’avantage a été consenti correspond également à la date à laquelle les salariés et/ou dirigeants en ont eu la « libre disposition ». Ce nouvel élément permettra de limiter les possibilités d’action en recouvrement de l’administration sociale dans la mesure où la date de libre disposition constitue le point de départ du délai de prescription, en donnant aux dirigeants et salariés la « libre disposition » des BSA attribués (i.e. en ne prévoyant pas de dispositions contractuelles venant restreindre la cessibilité ou l’exercice des BSA).

Conclusion

Ces deux arrêts, portant sur le sujet brûlant des management packages mis en place dans le cadre de montages par effet de levier confirment le risque lié aux mécanismes de rétrocession de plus-value, basés sur une convention de partage ou sur l’émission de BSA. Il conviendra, lors de la mise en place de tels mécanismes, de rédiger avec soin la documentation sociale et contractuelle.