16/02/2021

Prépondérance immobilière : exclusion des immeubles par destination

Article 726 du CGI

Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 décembre 2020, 18-25.559


Par un arrêt du 2 décembre 2020, n° 18-25.559, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la prise en compte des immeubles par destination pour l’appréciation de la prépondérance immobilière en matière de droits d’enregistrement.

Lorsqu’une société n’est pas à prépondérance immobilière, les cessions de parts sociales (SARL, sociétés civiles, etc.) sont soumises à un droit de mutation de 3%. Les cessions d’actions sont en principe soumises à un droit de 0,1%. En outre, les cessions de titres (actions et parts sociales) réalisées entre sociétés membres du même groupe (au sens des articles L233-3 du Code de commerce ou 223 A du CGI) sont exonérées de droit d’enregistrement, sauf lorsque les titres cédés sont des titres de sociétés à prépondérance immobilière.

Lorsqu’une société est à prépondérance immobilière au sens de l’article 726 du Code général des impôts, les cessions de participations (actions ou parts sociales) doivent être soumises à des droits d’enregistrement au taux de 5%, y compris lorsque le cessionnaire et le cédant appartiennent au même groupe de sociétés.

Ainsi, la question de savoir si une société est ou non à prépondérance immobilière revêt une importance significative dès lors qu’il est envisagé de procéder à la cession de ses titres, qu’il s’agisse ou non d’une cession intragroupe.

En matière de droit d’enregistrement, l’article 726, I 2° du CGI précise que sont considérées comme à prépondérance immobilière, les personnes morales dont l’actif est, ou a été au cours de l’année précédant les cessions en cause, principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales, quelle que soit leur nationalité, elles-mêmes à prépondérance immobilière. Il convient par ailleurs de noter que contrairement à ce qui est prévu pour le régime des plus-values, les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation sont pris en compte pour l’appréciation de la prépondérance immobilière.

Au cas particulier, une société avait acquis les actions composant le capital d’une SAS exploitant une centrale hydroélectrique. Par une proposition de rectification, l’administration fiscale avait considéré que, eu égard à la valeur des installations dédiées à l’exploitation, qui ont la nature d’immeubles par destination, cette cession devait être soumise au droit d’enregistrement au taux de 5% applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, conformément aux dispositions de l’article 726, I, 2°, du CGI.

L’affaire a été renvoyée devant la Cour de cassation. L’article 726, I 2° du CGI ne mentionnant que les immeubles et droits réels immobiliers sans viser expressément les immeubles par destination, la Haute juridiction a considéré que ces derniers ne peuvent être pris en compte pour déterminer si une personne morale est à prépondérance immobilière.

Cette décision, favorable au contribuable, parait curieuse en ce qu’elle s’écarte de la notion civiliste d’immeubles. Elle semble également s’écarter d’une ancienne jurisprudence, considérant que les immeubles par destination doivent être soumis aux droits de mutation applicables aux biens immobiliers lorsqu’ils sont vendus en même temps que les immeubles auxquels ils se rattachent (Cass. Com. 18 févr. 1997, n°95-12.702).

Du point de vue du droit civil, l’article 517 du Code civil prévoit que « Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent. » L’immeuble par destination se définit comme un bien meuble que la loi rend fictivement immobilier en raison du lien qui l’unit à l’immeuble dont il constitue l’accessoire. L’immobilisation par destination suppose que soient réunies deux conditions :

  • le bien doit être affecté au service et à l’exploitation d’un fonds ou doit y être attaché à perpétuelle demeure
  • et l’immeuble par nature et le meuble qui y est affecté doivent appartenir au même propriétaire.

(Rép. Min. n° 32607, M. Demange, JOAN Q du 15 octobre 1990, p. 4877)

La notion d’immeuble et de droits immobilier doit ainsi être interprétée en matière de droits d’enregistrement de façon plus restrictive (les immeubles par destination étant exclus) qu’en matière civile. Cette décision bienvenue pourra par exemple s’appliquer aux cessions de titres de sociétés comportant à leur actif de lourdes installations techniques, qualifiés d’immeubles par destination en matière civile mais échappant à la définition des « immeubles et droits immobiliers » en matière de droits d’enregistrement.