11/03/2022

La prise de poids par un joueur de rugby professionnel peut-elle justifier son licenciement ?

Agen, 27 juill. 2021, n°20/00842

La prise excessive de poids par un sportif est-elle de nature à caractériser un manquement de l’intéressé à son obligation de loyauté à l’égard de son club justifiant son licenciement ?

Surprenante de prime abord, la question n’est pourtant pas saugrenue au regard de la corporalité du métier de sportif.

Dans un arrêt antérieur, la Cour de cassation a ainsi considéré que « la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique » (Soc. 20 févr. 2019, n° 17-18.912). Le joueur qui n’honore pas « le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe » et n’étant pas « demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins » manque à son obligation de loyauté. La poursuite du contrat de travail est rendue impossible et sa rupture anticipée pour faute grave, à l’initiative du club, est justifiée.

Dans sa décision du 27 juillet 2021, la Cour d’appel d’Agen ne retient pas l’existence d’un tel manquement s’agissant d’un joueur de rugby dont le « surpoids » est allégué.

Sur le principe, la Cour n’exclut pas que le non-respect (i) du régime alimentaire prescrit, (ii) des consignes en matière de poids ou (iii) du programme de préparation physique, puisse constituer une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat de travail du joueur. Les magistrats semblent même inclure de telles obligations dans le champ du contrat de travail d’un sportif professionnel.

Mais, en l’occurrence, les éléments probatoires avancés par le club étaient insuffisants. S’il est prétendu que l’intéressé n’a pas respecté son plan de préparation physique, a dépassé de 4 kilos son « poids de forme » prescrit, et a menti régulièrement à son préparateur physique quant à son poids réel, en revanche, rien n’est prouvé par le club.

Au regard de la sensibilité de la question, une attention particulière doit pourtant être portée à la formalisation du suivi médical et physique instauré, et une grande rigueur doit présider à la constatation d’éventuels manquements.

Cette décision démontre, une nouvelle fois, toute l’importance attachée au corps du sportif dans l’appréciation du respect de ses obligations contractuelles. Les clubs (par l’accompagnement mis en place), comme les intéressés (par le respect d’une hygiène de vie) sont tenus, en la matière, par une exigence accrue de loyauté.