17/02/2021

Responsabilité du cédant et lien de causalité avec le dommage subi par le cessionnaire

Cass. Com. 4 nov. 2020, n°18-17.614


Par un arrêt rendu le 4 novembre 2020, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que le cédant de parts sociales qui transmet au cessionnaire des comptes irréguliers n’encourt aucune responsabilité, dès lors qu’il n’existe aucun lien de causalité entre ce fait dommageable et le préjudice invoqué.

Dans cette affaire, il a été établi que les comptes litigieux avaient été réalisés à une date où le cessionnaire avait déjà acquis la majorité des parts et était cogérant.

FAITS – Un couple fait l’acquisition de 60 % des parts sociales d’une société le 31 mai 2007, puis des parts restantes le 9 décembre 2008.

La société connaît des difficultés financières six années après le changement de contrôle, la conduisant à sa liquidation judiciaire. Les cessionnaires engagent alors la responsabilité des cédants devant les tribunaux, leur reprochant d’avoir dissimulé différentes erreurs comptables figurant dans les comptes clos au 31 octobre 2007 et de les avoir ainsi trompés sur la situation financière de la société.

PROCEDURE – Les juges du fond font droit aux demandes des cessionnaires. En revanche, les juges de la cour d’appel rejettent leurs demandes, soulignant que les comptes litigieux n’avaient pas été de nature à influer sur la décision du couple d’acheter les 60 premières parts de la société, car il était déjà propriétaire de 60 % des parts lorsque ceux-ci avaient été établis. De plus, les juges ont retenu que lorsque le solde des parts a été acquis en décembre 2008, le couple avait été en mesure d’observer au plus près la situation financière et les seuils de rentabilité de la société puisque l’un des cessionnaires avait en charge la cogérance de la société depuis le 1er juin 2007 et la gérance totale de la société depuis le 30 septembre 2008.

Devant la Cour de cassation, les cessionnaires ont fait valoir que les règles de la responsabilité civile avaient été violées par la cour d’appel. Selon les cessionnaires, la responsabilité du cédant cogérant ne peut pas être écartée du seul fait que l’un des cessionnaires, bien que cogérant, n’avait pas suffisamment fait preuve de diligence et de vigilance pour apprécier la situation financière de la société.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient que le couple s’était déjà engagé dans le processus d’acquisition de la société lorsque les comptes litigieux avaient été déposés et, par conséquent, que ces comptes ne pouvaient avoir influé sur sa décision d’acheter les 60 premières parts de la société. En outre, les juges retiennent que l’acquisition des parts sociales restantes est intervenue près de huit mois après l’approbation des comptes critiqués, alors que l’un des cessionnaires gérait la société et était en mesure d’apprécier la situation financière. Ainsi, la Cour de cassation juge le lien de causalité entre les erreurs affectant les comptes critiqués et les préjudices invoqués n’est pas établi et la responsabilité des cédants n’est pas susceptible d’être retenue.