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01/03/2024

Le Conseil d’Etat reconnaît le caractère divisible des déficits reportables d’une société absorbée et la possibilité de solliciter un agrément pour le transfert d’une fraction seulement de ses déficits

Transfert de déficits reportables

Une récente décision du Conseil d’État précise les modalités de report de déficits lors des fusions d’entreprises en cas de changement d’activité antérieur à l’opération.


Contexte de la décision du Conseil d’État

Au cours d’une opération de fusion ou d’une opération assimilée (dissolution-confusion, apport partiel d’actif, etc.) placée sous le régime de faveur de l’article 210 A du CGI, le transfert des déficits reportables (additionnés aux charges financières non-déduites et de la capacité de déduction inemployée visés à l’article 212 bis du CGI) de la société absorbée peut faire l’objet d’un transfert de plein droit à la société absorbante lorsque leur montant est inférieur à 200.000€, ou sur agrément lorsqu’il excède ce plafond (article 209, II du CGI). L’obtention de cet agrément est subordonnée à différentes conditions cumulatives : la justification économique de l’opération, la poursuite de l’activité à l’origine des déficits transférés par l’absorbante pendant une durée minimale de 3 ans, et l’absence de changements significatifs tant pendant la période au titre de laquelle ces déficits ont été constatés que pendant la période de 3 ans au cours de laquelle l’activité doit être maintenue après la fusion.

Nouvelles conditions d’agrément pour le report de déficits lors d’un changement d’activité

Dans l’affaire en cause, un agrément de report de déficits générés au cours des années 2011, 2014 et 2015 avait été sollicité auprès de l’administration fiscale, et n’avait pas été accordé au motif que la société aurait fait l’objet d’un changement d’activité intervenu avant 2014.

Interrogé sur la question de savoir si l’administration fiscale était fondée à refuser d’agréer le transfert des déficits générés postérieurement au changement d’activité, le Conseil d’État a répondu négativement et a jugé, dans sa décision du 17 octobre 2023 n°464667, que le déficit fiscal reportable n’avait pas un caractère indivisible, et qu’il était par conséquent possible de diviser le stock de déficits reportables de la société absorbée et de n’autoriser le transfert que d’une fraction de ces déficits.

Par ailleurs, le Conseil d’État a confirmé qu’une diminution significative du chiffre d’affaires et des effectifs de la société absorbée pendant la période de constitution des déficits, jusqu’alors considérée comme des critères pertinents pour évaluer les changements significatifs des déficits, ne permettent pas de conclure automatiquement un changement significatif d’activité pouvant s’opposer à l’octroi de l’agrément. Il convient à l’inverse de mener une analyse in concreto tenant compte de l’ensemble des réalités économiques affectant le secteur d’activité dans lequel la société exerçait son activité et de la finalité des mesures prises pour apprécier si celles-ci ont permis la poursuite de l’activité ou si elles doivent être analysées comme matérialisant un changement d’activité.

En synthèse, cette décision favorable au contribuable introduit une nouvelle approche conforme à la logique du texte permettant aux sociétés absorbées ayant fait l’objet d’un changement d’activité par le passé de diviser leur stock de déficits reportables et à demander un agrément pour le transfert des déficits nés postérieurement au changement d’activité, et confirme que l’existence même d’un changement d’activité doit être apprécié non pas seulement au regard des variations de chiffre d’affaires, d’actifs ou de personnel, mais aussi au regard du contexte économique et, le cas échéant, du sens des mesures prises par l’entreprise pour s’y adapter.


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