Publications
01/06/2022

La condamnation de la société Deliveroo pour travail dissimulé : une actualité des travailleurs de plate-forme.

Tribunal correctionnel, Paris, Jugement du 19 avril 2022

Dans son jugement du 19 avril 2022, le Tribunal correctionnel de Paris condamne la société Deliveroo à la peine maximale de 375.000 euros d’amende pour délit de travail dissimulé. Deux anciens dirigeants de la plate-forme sont aussi condamnés à 12 mois de prison avec sursis, 30.000 euros d’amende et 5 ans d’interdiction de diriger une société avec sursis.

L’action en justice a été initiée à la suite d’une dénonciation de l’Urssaf, à l’appui de plaintes de livreurs (qui se sont constitués parties civiles avec cinq organisations syndicales) et d’un procès-verbal dressé par l’inspection du travail.

Le Tribunal correctionnel devait ainsi se prononcer sur la qualité de la société Deliveroo : est-elle une simple plate-forme de mise en relation, travaillant avec de réels indépendants ?

Pour caractériser le délit de travail dissimulé, le Tribunal correctionnel de Paris s’est appuyé sur un faisceau d’indices caractérisant un lien de subordination entre Deliveroo et les travailleurs indépendants amenant à la dissimulation systémique de milliers d’emplois, mise en place de façon volontaire pour contourner les règles du salariat.

Le juge retient en effet que la simple mise en relation est une fiction juridique dans la mesure où la société organise les prestations du livreur en son nom. Il retient ainsi un lien de subordination caractérisé par une subordination permanent, laquelle est prouvée par le fait qu’en l’espèce, c’est le client du livreur (i.e. la plate-forme) qui créer l’offre de service et non le travailleur indépendant. Il ajoute qu’existe un véritable encadrement opérationnel, caractérisé par la fourniture « clé en main » d’une tenue spéciale pour les livraisons et des éléments de facturation par la société. Par ailleurs, les travailleurs dits indépendants se trouvent en réalité dans une situation de dépendance économique et dans la quasi-impossibilité de travailler pour d’autres acteurs du marché dans la mesure où le refus des courses se soldait par une sanction. Enfin, les travailleurs dits indépendants sont soumis à un véritable contrôle de la plate-forme, via notamment un système de géolocalisation.

Au regard de ce faisceau d’indices, le Tribunal correctionnel conclut que la relation entre la société Deliveroo et les travailleurs ressemble davantage à une relation de travail entre une entreprise et son salarié plutôt qu’entre une plate-forme et un travailleur indépendant.

Le jugement du premier procès pénal de la problématique des travailleurs de plate-forme a donc été rendu. La société Deliveroo a fait appel et dément l’existence d’un quelconque lien de subordination entre la plate-forme et les travailleurs indépendants.