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03/01/2023

Conformité à la constitution des textes sur les clauses statutaires d’exclusion dans les SAS

Cons. const. 9 décembre 2022 n° 2022-1029 QPC

Un associé d’une SAS a démissionné de ses fonctions de salarié qu’il exerçait dans la société. Les statuts de la SAS comprenait une clause d’exclusion applicable en cas de perte de la qualité de salarié ou de mandataire social.

Conformément aux statuts de la SAS, l’assemblée générale extraordinaire a voté l’exclusion de l’associé démissionnaire.

Pour s’opposer à son exclusion, l’associé exclu demande au tribunal de commerce de transmettre à la Cour de cassation des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), portant sur la conformité des articles L. 227-16 aliéna 1 et L. 227-19 alinéa 2 du Code de commerce aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789.

Il est rappelé que :

  • l’article L. 227-16 alinéa 1 du Code de commerce dispose que « les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions » ;
  • l’article L. 227-19 alinéa 2 du Code de commerce dispose que « les clauses statutaires mentionnées aux articles L. 227-14 et L. 227-16 ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts » ;
  • l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Le 12 octobre 2022, la Cour de cassation a estimé que les questions posées présentaient un caractère sérieux en ce que :

  • d’une part, l’article L. 227-16, alinéa 1 a pour conséquence de permettre à une SAS de priver, en exécution d’une clause statutaire d’exclusion, un associé de la propriété de ses droits sociaux sans que cette privation repose sur une cause d’utilité publique, et
  • d’autre part, il résulte de la combinaison de l’article L. 227-16 avec l’article L 227-19, alinéa 2, dans sa rédaction issue de la loi 2019-744 du 19 juillet 2019, qu’une SAS peut désormais, par une décision non prise à l’unanimité de ses membres, priver un associé de la propriété de ses droits sociaux sans qu’il ait consenti par avance à sa possible exclusion dans de telles conditions.

Dans sa décision du 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions conformes au droit de propriété.

Selon lui, elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété pour les raisons suivantes :

  • ces stipulations ont pour unique objet de permettre d’exclure un associé en application d’une clause statutaire, elles n’entrainent pas une privation de propriété ;
  • en permettant à une SAS de contraindre un associé à céder ses actions, le législateur a entendu garantir la cohésion de son actionnariat et éviter les situations de blocage pouvant résulter de l’opposition de l’associé concerné à une telle clause ;
  • il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la décision d’exclure un associé ne peut être prise qu’à la suite d’une procédure prévue par les statuts. Elle doit reposer sur un motif, stipulé par ces statuts, conforme à l’intérêt social et à l’ordre public, et ne pas être abusive :
  • l’exclusion de l’associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé conformément aux modalités prévues par les statuts de la société, s’il en existe, ou, dans le cas contraire, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil ;
  • la décision d’exclusion et le prix de cession de ses actions peuvent être contestés par l’associé exclu devant le juge.