Publications
03/04/2020

[COVID-19] État d’urgence, ses effets sur le délai de recours contre les permis et leurs modalités d’affichage sur le terrain

Information à jour, à date de publication de cet article


I. ÉTAT D’URGENCE et DÉLAI DE RECOURS DES TIERS CONTRE LES PERMIS

  • – Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme court à l’égard des tiers, à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des mentions obligatoires[1].

Toutefois, en raison des mesures de confinement fixées par le décret n°2020-293, du 23 mars 2020 (modifiées par le décret n° 2020-344 du 27 mars), les déplacements des riverains hors de leur domicile sont (par principe) interdits, au moins jusqu’au 15 avril 2020.

Cette limitation des déplacements restreint de facto le droit au recours effectif des tiers, à l’encontre des autorisations d’urbanisme.

  • Le délai de recours des tiers (2 mois), venant normalement à échéance, entre le 12 mars 2020 et le 25 juin 2020, est prorogé.

Cette date du 25 juin, correspond à la fin de l’état d’urgence, (dont la date est actuellement fixée au 24 mai 2020), majorée d’un mois, par l’ordonnance.

  • Le délai de recours est prorogé de 2 mois, à compter du 25 juin 2020, soit jusqu’au 25 août 2020.[2].

A titre d’exemple, pour un permis, même affiché dès le 15 mars 2020, les tiers pourront donc le contester jusqu’au 25 août, et non plus jusqu’au 15 mai 2020.

C’est très lourd de conséquences.

D’ailleurs, la relance du délai de recours étant glissante, (car calée sur la date de la fin de l’état d’urgence, majorée d’un mois), si l’état d’urgence cessait le 26 juin, le délai de recours, vous l’aurez compris, redémarrerait le 26 juillet, pour s’achever le 26 septembre 2020.

  • CONSEIL : Il faudra donc, pour sécuriser vos opérations, faire diligenter 3 constats d’huissier, durant les 2 mois, qui suivront le 26 juin 2020 (ou à compter de l’expiration du délai d’un mois, suivant la date de fin de l’état d’urgence).

II. ETAT D’URGENCE ET PREUVE DE L’AFFICHAGE DES PERMIS SUR LE TERRAIN

La prorogation du délai de recours, ne change rien à l’obligation d’afficher régulièrement et de manière continue, le permis sur le terrain, pour rendre ce délai opposable, et d’en dresser la preuve, pour en établir la purge.

2.1. Il faut donc toujours, muni de son laisser-passer, poser le panneau règlementaire, sur le terrain, de manière lisible, avec toutes les mentions remplies avec le plus grand soin, sous peine d’exposer le permis à un délai de recours d’un an !
2.2. En matière d’affichage, la preuve est libre[3].
  • Par commodité, l’usage est de faire dresser 3 constats d’huissier :
  1. Un premier constat, au premier jour de la période continue d’affichage ;
  2. Un deuxième constat, à l’expiration du premier mois de la période continue d’affichage ;
  3. Un troisième constat, à l’expiration du deuxième mois de la période continue d’affichage.

Que faire si votre étude d’huissier habituelle est fermée, ou n’assure plus ses tournées en extérieur, pour se ménager la preuve d’un affichage régulier et continu, sur le terrain.

a. Tout d’abord, les pétitionnaires peuvent prouver la régularité de l’affichage par toute attestation de la pose ou de la présence du panneau à telle date, à tel endroit, avec des mentions lisibles depuis l’espace public[4].

Cette attestation doit, tout d’abord, reprendre sans erreur l’intégralité des rubriques du panneau d’affichage, en ce compris celle portant sur le droit de recours[5]:  c’est fastidieux, mais essentielle.

Cette attestation doit également confirmer :

  • – La régularité des dimensions du panneau d’affichage (panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres)[6] ;
  • – La bonne visibilité du panneau, et la bonne lisibilité des renseignements qu’il contient, depuis la voie publique ou les espaces ouverts au public.

Par principe, une telle attestation peut être établie par toute personne qui voit ou passe à proximité immédiate du panneau.

Ceci-dit, moins le témoin a de lien avec le pétitionnaire, et ses prestataires, plus l’attestation est probante.

L’attestation doit être établie à la main, selon le modèle règlementaire[7], avec en annexe une copie d’une pièce d’identité (carte d’identité, passeport) du témoin.

Cette multiplicité d’attestations crédibles prouvera ainsi la régularité, la permanence et la continuité de l’affichage, durant la période réglementaire.

b. Outre les témoignages, la régularité de l’affichage peut évidemment être renforcée par des photographies du panneau, avec un procédé de datation fiable. Ces photos doivent apporter la preuve de la lisibilité du panneau, et donc être LISIBLES !
c. Enfin, pour dater les preuves et donc les affichages, le pétitionnaire peut adresser les différentes attestations et clichés, par courrier recommandé (la perturbation actuelle des services postaux pouvant décaler la date à prouver), soit à lui-même par pli recommandé, soit à un tiers ou à un huissier, qui attestera la nature, le nombre et la teneur des documents reçus,

[1] Article R. 600-2 du Code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15. »

[2] Article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

[3] Réponse ministérielle n° 9331, JOAN du 8 janvier 2013 : « En cas de litige le juge forge sa conviction en comparant souverainement la valeur probante des attestations produites par chacune des parties (CE, 5 décembre

2001, Dugas, req. n° 225.511 et CE, 25 mars 2002, Antson, req. n° 219.353) et le constat d’huissier n’est pas le seul moyen probant qu’il retient. Les particuliers disposent donc de différentes solutions pour apporter des preuves de l’affichage réalisé, le constat d’huissier étant l’une d’entre elles. »

[4] CE, 7 mai 2007, n° 279565 : « Considérant que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B ont produit de nombreux témoignages et attestations de voisins, n’ayant avec eux aucun lien personnel, sollicités après la contestation du permis de construire et donc postérieurs à la date de l’affichage allégué, attestant de la présence du panneau portant les mentions du permis de construire sur la façade de leur maison de la fin décembre 2000 ou du début de 2001 à la mi-avril 2001 ; qu’en particulier, les attestations sur l’honneur, datées de septembre 2001, mentionnent chacune plusieurs des mentions figurant sur le panneau, l’ensemble des attestations mentionnant la totalité des mentions obligatoires ; que, d’ailleurs, les descriptions qu’elles donnent de ce panneau correspondent à la photographie que les requérants avaient jointe à leur mémoire en duplique du 21 juillet 2004 que la cour n’a pas visé ; »

[5] Articles A. 424-16 et 17 du Code de l’urbanisme.

[6]  Article A. 424-15 du Code de l’urbanisme : « L’affichage sur le terrain du permis de construire, d’aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l’affichage de la déclaration préalable, prévu par l’article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. »

[7] Modèle réglementaire d’attestation : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R11307.