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12/06/2020

[COVID-19] Règles relatives aux difficultés des entreprises liées à l’urgence sanitaire : une nouvelle ordonnance vient compléter et clarifier ses dispositions

Annonce de la Commission Européenne sur l'investissement en faveur de l’environnement et le climat.

Information à jour, à date de publication de cet article

Deux mois après l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 adaptant temporairement les règles relatives aux difficultés des entreprises liées à l’urgence sanitaire, une nouvelle ordonnance du 20 mai 2020 (Ord. n° 2020-596, 20 mai 2020, JO 21 mai 2020), vient déjà compléter et clarifier ses dispositions ! Quelques précisions sur ses apports :

En particulier, les dispositions de l’article 9 de la nouvelle ordonnance, viennent en partie régler les difficultés suscitées par la mise en œuvre des délais institués par l’ordonnance du 27 mars 2020, en figeant la date de l’état d’urgence sanitaire au 23 mai. Elle remplace la référence à « la durée de l’état d’urgence sanitaire » tel que déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, et dont le terme était fixé au 10 juillet 2020, (v. L. n° 2020-546, 11 mai 2020, prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, JO 12 mai 2020), par des dates précises. Ainsi, notamment, le délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire auquel il était fait référence est remplacé par une date fixée au 23 aout 2020 inclus. Il s’ensuit, par exemple, que l’état de cessation des paiements est donc désormais apprécié, sauf circonstances particulières, en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, jusqu’au 23 août 2020 inclus. De même, le délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est remplacé par un délai fixe allant jusqu’au 23 juin 2020 inclus, alors que le délai « d’une durée équivalente à celle de la période prévue au I » est désormais remplacé par un délai d’une durée fixe de cinq mois (lorsque l’expression est utilisée au II, au 1er du III et au IV de l’article 1 de l’ordonnance du 27 mars 2020) ou de trois mois (lorsque l’expression est utilisée au II de l’article 2 de l’ordonnance du 27 mars).

La nouvelle ordonnance poursuit, d’autre part, l’adaptation des dispositions du livre VI du code de commerce pour prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et consacre certaines dispositions permettant de renforcer l’efficacité des procédures amiables et collectives.

Pour celles-ci, l’article 10 de l’ordonnance opère une distinction entre les dispositions dérogatoires applicables aux procédures en cours à compter du 22 mai 2020, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, jusqu’au 31 décembre 2020[1], et certaines dispositions transitoires, qui s’inspirent de la directive européenne 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la restructuration et l’insolvabilité (JOUE L 172, 26 juin), et sont applicables jusqu’à la transposition de celle-ci, au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus.

Dans le prolongement de l’ordonnance du 27 mars, l’article 1er de l’ordonnance du 20 mai 2020 renforce le rôle du commissaire aux comptes dans le cadre de la procédure d’alerte prévue par les articles L. 234-1, L. 234-2 et L. 612-3 du code de commerce. Si celui-ci estime que « l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou propose des mesures que le commissaire aux comptes estime insuffisantes », il pourra « informer le président du tribunal compétent dès la première information faite, selon le cas, au président du conseil d’administration ou de surveillance ou au dirigeant » (art. 1, II).

L’ordonnance du 20 mai 2020 consacre des mesures destinées à favoriser le recours à la procédure de conciliation. L’article 2 de l’ordonnance permet ainsi au débiteur de demander au président du tribunal ayant ouvert une procédure de conciliation, d’ordonner des mesures produisant sensiblement les mêmes effets que l’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un créancier qui « n’accepte pas, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure ». Le débiteur peut ainsi demander unilatéralement d’interrompre ou d’interdire toute action en justice de la part de ce créancier, tendant à la condamnation au paiement d’une somme d’argent ou demander d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution sur les meubles ou les immeubles. Par rapport à la mesure classique de l’article L. 611-7 du code de commerce, la mesure de l’article 2 est plus simple et plus rapide, puisqu’elle peut être mise en place à la suite d’une ordonnance sur requête, sans nécessiter une mise en demeure ou une poursuite de la part du créancier. La mise en œuvre de cette mesure suppose juste un refus, implicite ou explicite, du créancier à la demande du conciliateur. Cette mesure est, en outre, plus large que l’article L. 611-7 du code de commerce, car elle dépasse le seul traitement de l’action en recouvrement d’une somme d’argent et suspend notamment l’action visant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. En pratique, le conciliateur pourra s’appuyer sur cette disposition pour inciter le créancier récalcitrant à revenir dans la négociation.

Plusieurs dispositions de la nouvelle ordonnance augmentent ou en prolongent la durée des plans en raison de « l’’impossibilité pratique de respecter les contraintes habituelles », que ce soit dans l’organisation des juridictions, les études des praticiens, ou dans le fonctionnement des entreprises concernées.

Plusieurs dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 s’inscrivent dans le prolongement de l’ordonnance du 27 mars. Ces prolongations de délais doivent être mises en œuvre au regard des dispositions de son article 9, qui remplace et précise les délais mentionnés. Les extensions de délais s’ajoutent aux durées des procédures en cours ou ouvertes entre le 23 mars et le 23 juin 2020 inclus. Une interprétation littérale et maximaliste tend à considérer que, dès lors que l’une quelconque de ces durées est en cours ou ouverte entre le 23 mars et le 23 juin 2020 inclus, les procédures sont prolongées de plein droit pour une durée de trois mois de date à date (art. 2 de l’ord. 27 mars 2020, tel que modifié par l’ord. 20 mai 2020). Sur décision du président du tribunal, saisi au plus tard le 23 août 2020 inclus, elles peuvent être prolongées d’une durée de cinq mois (sur requête du commissaire à l’exécution du plan) ou d’un an (sur requête du ministère public). Enfin, sur décision du tribunal saisi à compter du 24 août 2020 et jusqu’au 23 février 2021 (six mois), par le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public, les délais peuvent être prolongés d’une durée maximale d’un an (art. 1er de l’ord. 27 mars 2020, tel que modifié par l’ord. 27 mars 2020).

L’ordonnance du 20 mai ajoute également deux dispositions au dispositif érigé par l’ordonnance du 27 mars :

  • – D’une part, il est prévu que « sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan arrêté […] pour une durée maximale de deux ans, s’ajoutant, le cas échéant à la ou aux prolongations prévues au III de l’article 1 et au II de l’article 2 de l’ordonnance du 27 mars » (art. 5, I). L’allongement de deux ans maximum est donc susceptible au maximum de porter la prolongation à quatre ans et trois mois (trois mois de plein droit, cinq mois sur requête du commissaire à l’exécution du plan ou un an sur requête du ministère public par le président du tribunal, un an par le tribunal ; deux ans par le tribunal résultant de l’ordonnance du 20 mai). L’allongement du plan apparaît ici comme un simple report accordé par le président du tribunal.
  • – D’autre part, la durée maximale du plan arrêté par le tribunal « […] est portée, en cas de modification substantielle, à douze ans ou, lorsque le débiteur est une personne exerçant une activité agricole […], dix-sept ans » (art. 5, II). Dans cette hypothèse, l’allongement du plan impliquera alors de nouveaux échanges contradictoires avec les créanciers.

Par ailleurs, l’ordonnance du 20 mai 2020 apporte un changement important dans les modalités d’exécution du plan allongé : pour tenir compte de la nouvelle durée du plan, le président du tribunal ou le tribunal à la possibilité de déroger au dividende annuel minimum de 5 % à partir de la troisième année d’exécution du plan, et la possibilité de reporter, jusqu’à deux ans, le paiement des sommes dues (C. civ., art. 1343-5). Il s’agit alors d’octroyer une, voire deux années blanches, permettant à chaque entreprise de consacrer ses capacités financières à absorber les conséquences de la crise sanitaire, à financer le redémarrage de l’activité et éventuellement de répondre à des besoins d’investissements. Cette mesure permet aussi au juge de prendre en considération l’intérêt particulier d’un créancier, qui aura pu lui-même être également impacté par les conséquences de l’état d’urgence sanitaire.

Pour accélérer les procédures, l’article 5, III de l’ordonnance précise que, « lorsque la demande de modification substantielle du plan prévue par l’article L. 626-26 du code de commerce porte sur les modalités d’apurement du passif, le défaut de réponse des créanciers intéressés à la lettre recommandée vaut acceptation des modifications proposées, sauf s’il s’agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital ».

Ensuite, l’ordonnance consacre plusieurs dispositions visant à accélérer la procédure d’examen et d’adoption de plans de sauvegarde ou de redressement judiciaire. L’article 4 de l’ordonnance du 20 mai prévoit un raccourcissement du délai de consultation des créanciers de trente à quinze jours, sur ordonnance du juge-commissaire au vu d’une requête de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire. Cet article indique, d’autre part, que « les propositions pour le règlement des dettes ainsi que les éventuelles réponses à ces propositions peuvent être communiquées par tout moyen permettant au mandataire judiciaire d’établir avec certitude la date de leur réception ». Enfin, il est admis que des propositions de plan peuvent être établies au regard « des créances déclarées admises ou non contestées, ainsi que sur les créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré ». Cette disposition permet d’éviter d’attendre la procédure de vérification de créance et l’admission définitive des créances pour définir le passif déclaré et soumettre les propositions d’apurement au tribunal. Sur attestation du commissaire aux comptes ou de l’expert-comptable, les engagements du débiteur pourront donc porter sur un passif prévisible et suffisamment vraisemblable pour permettre au tribunal d’apprécier le caractère sérieux et fidèle du projet de plan.

S’agissant de la cession de l’entreprise, l’article 7 de l’ordonnance adapte certaines mesures. L’ordonnance prévoit que le débiteur ou l’administrateur judiciaire puisse adresser lui-même au tribunal la requête demandant un examen du projet de reprise présenté notamment par le dirigeant de l’entreprise défaillante. Ce changement permet d’accélérer la procédure en supprimant l’examen préalable obligatoire de la demande de dérogation par le ministère public, qui en temps normal, adresse lui-même cette requête. L’examen de la demande par le ministère publique sera cependant maintenu au cours de l’audience d’examen des offres de reprise pour éviter que le plan de cession soit l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs en présentant lui-même, ou par personne interposée, une offre de reprise. D’autre part, les dispositions de l’ordonnance réduisent de quinze à huit jours le délai de convocation des créanciers bénéficiant de sûretés et des cocontractants dont le contrat fait l’objet d’une demande de transfert par le candidat à la reprise (C. com., art. R. 642-7).

En dehors de ces dispositions dérogatoires applicables jusqu’au 31 décembre 2020, l’ordonnance du 20 mai 2020 consacre également de nouvelles mesures transitoires applicables aux procédures ouvertes entre le 22 mai 2020 et la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue par l’article 196 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, (et visant à adapter le droit des entreprises en difficulté au droit de l’Union européenne, et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021).

L’article 3 de l’ordonnance permet d’élargir le champ d’application de la sauvegarde accélérée et financière accélérée à des sociétés pourtant en principe non éligibles au regard des seuils imposés par l’article D. 628-3 du code de commerce pour accélérer l’adoption d’un plan de sauvegarde préparé en conciliation. La comptabilité du débiteur devra cependant être compatible avec les conditions de mise en œuvre de ces deux procédures. L’alinéa 2 de l’article 3 prévoit, en outre, en cas d’échec de l’adoption du plan via le mécanisme de la sauvegarde accélérée ou financière accélérée, la possibilité, pour le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, ou le ministère public, de solliciter, sans délai, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

D’autre part, l’article 5 IV de l’ordonnance du 20 mai 2020 instaure un privilège de new money dans deux hypothèses. La première hypothèse est celle de l’apport de trésorerie octroyé par un partenaire contractuel de la société ou par les associés de l’entreprise (avance en compte courant)[2], pendant la période d’observation, en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité[3]. La créance bénéficiant du privilège sera alors réglée selon l’ordre prévu au III de l’article L. 622-17 et au III de l’article L. 641-13 du code de commerce et vient s’intercaler entre les créances de salaire dont le montant n’a pas été avancé et les créances définies au 2°. Le créancier dont la créance est couverte par ce nouveau privilège ne pourra se voir imposer des remises et délais dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement. La seconde hypothèse est celle de l’apport de trésorerie visant à permettre l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement arrêté ou modifié par le tribunal. A la différence de la précédente, cette disposition est nouvelle et favorisera l’adoption de plan en donnant une certaine garantie à ses financeurs. Le jugement qui arrêtant ou modifiant le plan mentionnera chaque privilège ainsi constitué et précisera les montants garantis.

L’ordonnance consacre, en outre, dans son article 6, une modification du seuil d’application de la procédure de rétablissement professionnel. L’ordonnance porte l’actif maximum du débiteur à un montant inférieur à 15 000 € (contre 5000 € en temps normal). Cette procédure, destinée aux entrepreneurs individuels, personnes physiques, qui n’ont pas de salarié et dont l’actif est inférieur à un certain seuil, offre au débiteur une possibilité de rebondir rapidement en bénéficiant d’un effacement des dettes, sans recourir à une liquidation judiciaire. Cette élévation du seuil consacré dans l’ordonnance a donc pour but de favoriser l’ouverture d’un rétablissement professionnel afin que le débiteur poursuive son activité sans voir son patrimoine réalisé au profit des créanciers de l’entreprise, tout en effaçant son passif. Pour la liquidation judiciaire simplifiée, l’ordonnance écarte les conditions de seuils pour les personnes physiques dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers. Une dérogation est cependant prévue si le nombre de salariés du débiteur au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure est supérieur à cinq.

Enfin, l’article 8 de l’ordonnance baisse de deux ans à un an le délai de radiation au registre du commerce et des sociétés des événements liés à une procédure collective (dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement) pour permettre à l’entrepreneur de retrouver plus rapidement la confiance et de rétablir des relations commerciales.


[1] Cette échéance correspond également à celle permettant de demander un prêt garanti par l’État (L. n° 2020-289, 23 mars 2020, art. 6, I, JO 24 mars)

[2] Le juge-commissaire devra spécifier que cette avance ne pourra être convertie en capital social afin qu’il puisse bénéficier du privilège de new money, dès lors que l’alinéa 6 de l’article 5 précise que les apports en capital consentis par les actionnaires et associés dans le cadre d’une augmentation de capital ne peuvent être garantis par le privilège de sauvegarde ou de redressement

[3] Ce dispositif est également permis par l’article L. 622-17 du code de commerce, s’agissant notamment de prêts effectués dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation.

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