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09/11/2023

Droit rural / Prescription de la demande de nullité pour défaut d’autorisation d’exploiter et auteur de la demande d’autorisation d’exploiter en cas d’agrandissement

La Cour de Cassation a rendu le 26 octobre 2023 un arrêt concernant d’une part la prescription de la demande de nullité pour défaut d’autorisation d’exploiter et d’autre part l’auteur de la demande en cas d’agrandissement (Cass. civ 3ème du 26 octobre 2023, n°21-24.231). 

En l’espèce, un exploitant (une EARL devenue une SCEA) a conclu en qualité de preneur deux baux ruraux avec respectivement une personne physique en 2011 et une SCI devenue un GFA, en 2012. 

En 2016, une personne physique déjà exploitant et associé d’une autre société agricole est devenue associé exploitant de la SCEA. 

En avril 2019, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en nullité des baux consentis au preneur pour défaut d’autorisation d’exploiter sur le fondement de l’article L.331-6 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), considérant que l’arrivée du nouvel associé exploitant dans la SCEA constituait un agrandissement de l’exploitation. 

Cette disposition érige en effet l’obtention d’une autorisation d’exploiter, si elle est requise, en condition de validité du bail ou de sa cession. 

En décembre 2019, l’autorité administrative a mis en demeure le nouvel associé exploitant de la SCEA et la SCEA de présenter une demande d’autorisation dans le délai d’un mois sur le fondement de l’article L.331-7 du CRPM. 

Afin de rejeter la demande de nullité, la SCEA soutenait que le délai de prescription quinquennal commence à courir à compter du jour où l’acte litigieux a été passé et qu’en cas de défaut d’obtention par le preneur de l’autorisation d’exploiter, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion initiale du bail et non la date de reprise de l’exploitation par le nouvel associé du preneur comme l’a décidé la Cour d’appel. 

La Cour de Cassation considère qu’en application de l’article 2224 du Code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, l’exercice de l’action en nullité du bail rural sur le fondement de l’article L.331-6 du CRPM se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître qu’était expiré le délai imparti au preneur pour régulariser sa situation visé dans la mise en demeure susvisée. 

La mise en demeure datant de 2019, l’action en nullité n’est donc pas prescrite et la demande du bailleur a été rejetée. 

En revanche, la Cour de Cassation a fait droit au second moyen de la SCEA qui faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de prononcer la nullité du bail pour défaut d’obtention de l’autorisation d’exploiter par la SCEA. 

La Cour de Cassation, visant les dispositions relatives au contrôle des structures objet des articles L.331-1 et s. et à l’article R.331-1 du CRPM, a rappelé que sont soumises à autorisation préalable les installations, agrandissements ou réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. 

La Cour de Cassation a ensuite rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle le rachat, par une personne physique, de parts d’une société à objet agricole, si elle participe effectivement aux travaux en son sein, constitue un agrandissement de son exploitation soumis à autorisation préalable dans les conditions susvisées. 

La Cour de Cassation a ainsi précisé que dans cette hypothèse, la demande d’autorisation doit être présentée par le nouvel associé, qui procède ainsi à son agrandissement, et non par la société.