Droit rural / Le bail emphytéotique peut-il contourner le droit de préemption de la SAFER ?
Le ministre de l’Agriculture a été questionné sur le développement des baux emphytéotiques qui seraient utilisés pour contourner le droit de préemption de la SAFER (Rép. Min. JO Sénat 7 sept. 2023 p. 5269)
Pour rappel, le droit de préemption de la SAFER s’applique, en principe, aux aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole, dont la vente est l’archétype (Article L.143-1 du Code rural et de la pêche maritime).
En application de cette règle, la conclusion d’un bail emphytéotique n’ouvre, en principe, pas droit à préemption pour la SAFER – l’opération ne faisant que conférer au preneur un droit réel de jouissance sur l’immeuble. L’article L.451-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) dispose que « le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction ».
La jurisprudence s’était néanmoins déjà prononcée sur le caractère frauduleux de la conclusion d’un tel bail utilisé pour contourner le droit de préemption des communes. La Cour de cassation a notamment rappelé dans un arrêt en date du 2 juin 1977 que la commune peut contester le bail emphytéotique que s’il constitue une vente déguisée faisant fraude à son droit de préemption. (Cass. 3e civ., 2 juin 1977, n° 76-10.610). En vertu de cette règle, la Haute juridiction a eu l’occasion de déclarer nul un bail emphytéotique conclu dans la seule optique de contourner le droit de préemption d’une commune (Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, n° 01-11.530).
La question se posait ainsi sur le droit de préemption de la SAFER.
Le ministre de l’Agriculture rappelle que « le bail emphytéotique échappe, par nature, aux différents droits de préemption institués en matière civile (droit de préemption des co-indivisaires), urbaine (droit de préemption urbain et des espaces naturels sensibles) ou rurale (droit de préemption de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural) ». Selon lui, l’emphytéose ne constitue pas, à raison des circonstances entourant sa conclusion, une vente déguisée, destinée à faire fraude au droit de préemption dont il s’agit.
Le ministre de l’Agriculture souligne également que le bail emphytéotique est « de longue date très prisé, en tant que support juridique, par exemple de la part d’associations afin de mettre en valeur des immeubles reçus en legs et, plus récemment, pour des activités telles que le développement des énergies renouvelables ».
Par conséquent, la conclusion d’un bail emphytéotique ne donne, par nature, pas prise au droit de préemption de la SAFER.
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