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05/11/2024

Droit rural / L’autorisation d’exploiter concurrente peut être délivrée à une demande de rang inférieur si l’intérêt général ou des circonstances particulières, en rapport avec les objectifs du schéma directeur, le justifient

Le 12 décembre 2023, le Conseil d’État a rendu une décision importante concernant les modalités de traitement par les autorités administratives des demandes concurrentes ou successives d’autorisations préalables d’exploitations relevant du contrôle des structures, qui avait été encadrées de manière objective par la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 (CE, 12 déc. 2023, n°462416). Par cet arrêt, la haute instance administrative insère un critère d’attribution subjectif. 

Dans cette affaire, deux demandes concurrentes d’autorisation d’exploiter ont été déposées simultanément par un exploitant agricole en nom propre et un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC), afin de reprendre l’exploitation de terres d’une superficie de 54 hectares situées dans les Côtes-d’Armor. À cet égard, le préfet de la région Bretagne a initialement délivré une autorisation à l’exploitant individuel le 8 février 2018, suivie par l’octroi d’une autorisation au GAEC par un arrêté distinct daté du 27 juillet 2018. 

L’exploitant en nom propre a contesté l’autorisation d’exploitation accordée ultérieurement au GAEC.  

Alors que le tribunal administratif de Rennes a initialement rejeté la requête, la cour administrative d’appel de Nantes a, quant à elle, annulé le jugement ainsi que l’autorisation administrative d’exploiter délivrée au GAEC.  

Par deux pourvois en cassations, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et le GAEC ont demandé l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel.  

Afin de statuer, le Conseil d’Etat rappelle dans son arrêt que :  

  1. « le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit […] l’ordre des priorités entre les différents types d’opérations concernées par une demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2, en prenant en compte l’intérêt économique et environnemental de l’opération » (Article L.312-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) ) ;  
  1. « sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles » (Article L.331-2 du CRPM) ;  
  1. « [l’autorité administrative] vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l’article L. 331-3-1, si les conditions de l’opération permettent de délivrer l’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2 et se prononce sur la demande d’autorisation par une décision motivée » (Article L.331-3 du CRPM) ; 
  1. « l’autorisation mentionnée à l’article L. 331-2 peut être refusée lorsqu’il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l’article L. 312-1 » (Article L331-3-1 du CRPM) ; 
  1.  « la décision d’autorisation ou de refus d’autorisation d’exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l’article L. 331-3-1 » (Article R. 331-6 du CRPM).  

Selon le Conseil d’Etat, il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet est saisi de demandes d’autorisation concurrentes répondant à des ordres de priorités différents au regard des prescriptions du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le préfet fait en principe application de l’ordre de priorité fixé par le schéma. 

Cependant, pour le Conseil d’Etat, « [le préfet] peut toutefois délivrer une autorisation concurrente à une demande de rang inférieur si l’intérêt général ou des circonstances particulières, en rapport avec les objectifs du schéma directeur, le justifient ». 

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes et renvoyé l’affaire devant ladite instance. 

Cette décision confère aux préfets une certaine latitude décisionnelle, engendrant ainsi une certaine incertitude pour les demandeurs potentiels ainsi qu’un risque accru de demandes concurrentes ou de contentieux. 


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