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22/12/2022

Exigibilité des loyers commerciaux échus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire du Covid-19

C’est environ deux ans après le premier confinement que la Cour de cassation s’est prononcée sur le sort des loyers dus par les commerçants pendant les périodes d’interdiction d’accueil du public.

La Cour de cassation a été saisie d’une trentaine de pourvois sur le sujet. La troisième chambre civile a fait le choix d’examiner trois d’entre eux en priorité afin de répondre à des questions de principe posées par cette situation.

Ainsi, aux termes de trois arrêts rendus le 30 juin 2022, la troisième chambre civile s’est prononcée en faveur des bailleurs sur la question du droit des commerçants à ne pas payer leurs loyers pendant les périodes d’interdiction d’accueil du public.

Dans ces trois arrêts, les preneurs à bail refusaient de payer le loyer, ou tout du moins une partie du loyer correspondant aux périodes pendant lesquelles l’accueil du public était interdit en raison des mesures administratives prises dans le cadre de la crise sanitaire.

Les bailleurs ont alors décidé de contraindre les preneurs à s’acquitter de leurs loyers en procédant à une saisie-attribution (Cass. 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.190), en assignant le locataire en référé pour obtenir le paiement d’une provision (Cass. 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.127) et en obtenant une ordonnance d’injonction de payer (Cass. 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-19.889).

Les arguments invoqués par les locataires étaient fondés sur la perte de la chose louée, l’exception d’inexécution, la force majeure et la mauvaise foi du bailleur.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi estimé que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Par ailleurs, un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.

Depuis le 30 juin 2022, deux nouveaux arrêts ont été rendus le 23 novembre 2022 (Cass. 3ème civ., 23 nov. 2022, n°21-21.867 et n°22-12.753), lesquels s’inscrivent dans la continuité des arrêts rendus le 30 juin 2022.

La Cour de cassation a donc réaffirmé que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance et qu’elle ne peut pas être assimilée à la perte du local loué ce dont il résulte que l’obligation de payer le loyer n’est pas sérieusement contestable.

La jurisprudence a donc pour le moment tranché en faveur des bailleurs, lesquels doivent toutefois rester vigilants dans la mesure où la cour d’appel de Paris a récemment approuvé le juge des référés qui avait considéré qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire avait été délivré de mauvaise foi par un bailleur, compte tenu notamment de l’impact de la crise sanitaire sur l’activité du locataire (Cour d’appel Paris, 6 octobre 2022, n° 22/01407).

Par ailleurs, tout espoir n’est pas perdu pour les preneurs dont certains ont vu quelques-uns de leurs moyens, fondés notamment sur l’article 1722 du Code civil, accueillis par les juridictions du fond qui décident parfois d’entrer en résistance avec certaines décisions de la Cour de cassation.

L’on fera également remarquer que certains moyens tirés du droit commun des contrats, tels que la cause pour les baux en cours conclus antérieurement au 1er octobre 2016, l’équité ou l’imprévision n’ont pas encore été traités par la Cour de cassation.