16/10/2018

Toute opération constitutive d’une activité économique par un holding au profit de sa filiale ouvre droit à déduction de la TVA grevant ses frais généraux

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans sa décision Marle Participations SARL du 5 juillet 2018 précise, en les étendant, les contours de la notion d’immixtion d’un holding dans la gestion de sa filiale, qui permet à celui-ci de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente aux frais généraux, incluant notamment les frais ayant grevé des opérations en capital.

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, à la différence d’une simple détention de parts sociales, constitue une activité économique permettant à un holding de déduire la taxe grevant ses frais généraux (tels que des frais d’acquisition de participation dans ses filiales) l’immixtion directe ou indirecte dans la gestion de ses filiales, impliquant la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA, telles que la fourniture de services administratifs, comptables, financiers, commerciaux, informatiques et techniques par la société holding à ses filiales.

Jusqu’à ce jour, la CJUE s’était cantonnée à se prononcer sur les seules prestations de services intragroupe sans préciser si la liste de ces services était exhaustive ou non.

Au cas d’espèce, une société holding a déduit l’intégralité de la TVA ayant grevé les frais afférents à des acquisitions de titres ayant augmenté les participations qu’il détenait dans ses filiales. Le holding disposait de recettes constituées, d’une part, de dividendes reçus de ses trois filiales et, d’autre part, de loyers provenant de la location d’un immeuble à l’une de ses filiales. L’administration fiscale a remis en cause cette déduction en considérant que les conditions d’immixtion dans la gestion des filiales n’étaient pas remplies et que, par conséquent, les dépenses d’acquisition de participation étaient hors du champ d’application du droit à déduction de la TVA des frais généraux.

Le Conseil d’Etat, saisi du litige, a renvoyé le 22 mai 2017 une question préjudicielle à la CJUE sur l’interprétation de la Directive TVA (directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006) pour savoir si la location d’immeuble est une transaction susceptible de caractériser l’immixtion dans la gestion de filiales.

Dans sa décision Marle Participations SARL (aff.320/17) du 5 juillet 2018, la CJUE juge que l’immixtion d’un holding dans la gestion de ses filiales peut être caractérisée par la réalisation de toute opération constitutive d’une activité économique au sens de la directive TVA, effectuée par la holding au profit de ses filiales.

La location d’un immeuble peut ainsi constituer une immixtion par le holding dans la gestion de ses filiales à condition que :

 » Cette prestation de services présente un caractère permanent, qu’elle soit effectuée à titre onéreux et qu’elle soit taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée, et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire. »

Il importe donc que la location d’immeubles aux filiales soit effectuée à titre onéreux et que le loyer soit soumis à la TVA.

Par ailleurs, la Cour précise qu’il ne doit pas être tenu compte de l’importance ou de la faiblesse du montant du chiffre d’affaires réalisé par le holding à raison de son activité économique par rapport aux revenus qu’il tire de ses participations dans ses filiales pour subordonner l’ouverture du droit à déduction.

Enfin, la CJUE confirme sa jurisprudence relative aux assujettis partiels : le holding qui intervient dans la gestion d’une partie seulement de ses filiales ne peut déduire l’intégralité de la TVA ayant grevé ses frais généraux. Seule peut être déduite la TVA grevant les frais généraux en proportion de ceux inhérent à son activité économique, selon des critères de ventilation définis par les Etats membres.

Cette décision de la Cour de Justice permet ainsi d’élargir le champ des opérations caractérisant une immixtion d’un holding dans la gestion de ses filiales, pour l’ouverture du droit à déduction de la TVA grevant les frais généraux.

Il appartient désormais au Conseil d’Etat d’appliquer les principes dégagés par la CJUE et de préciser les critères de ventilation à retenir pour définir la proportion de la TVA déductible dans le cas d’une immixtion de la gestion d’une partie seulement de ses filiales, comme c’était le cas dans l’affaire examinée.

Cour de Justice de l’Union Européenne, aff. 320/17, Marle Participations SARL, 5 juillet 2018.