26/02/2019

La simple négligence exonère le dirigeant de sa responsabilité depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, même dans les procédures en cours à cette date

Faits

Le dirigeant d’une société placée en liquidation judiciaire a été assigné en responsabilité pour insuffisance d’actif de la société par le liquidateur judiciaire, en application de l’article L. 651-2 du code de commerce.

Le tribunal de commerce, saisi de cette action en responsabilité, a condamné le dirigeant à supporter une partie de l’insuffisance d’actif de la société en raison d’une négligence de sa part ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société en liquidation judiciaire, ce que le dirigeant conteste.

Procédure

La Cour d’appel de Chambéry, le 17 janvier 2017, fait droit aux demandes du dirigeant et annule le jugement du tribunal de commerce en faisant application de la réforme de l’article L. 651-2 du code de commerce introduite par la loi Sapin II du 9 décembre 2016, prévoyant désormais qu’en « cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

La chambre commerciale de la Cour de cassation, le 5 septembre 2018 (pourvoi n° 17-15.031), rejette le pourvoi de l’administrateur judiciaire représentant la société en liquidation, au  motif que « la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation, à moins que cette application immédiate ne méconnaisse un droit acquis ».

Au cas d’espèce, la Cour de cassation souligne que le caractère facultatif de la condamnation du dirigeant à supporter, en tout ou partie, l’insuffisance d’actif de la société exclut tout droit acquis du liquidateur à la réparation du préjudice auquel le dirigeant a contribué par sa faute de gestion. Elle en déduit naturellement qu’en l’absence de disposition contraire de la loi Sapin II, la nouvelle disposition écartant la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif en cas de simple négligence est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours.

Analyse

La chambre commerciale de la Cour de cassation fait ici application de la théorie des droit acquis, selon laquelle la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation à moins que cette application immédiate ne méconnaisse un droit acquis, et écarte ici tout droit acquis par le liquidateur en s’appuyant sur le caractère facultatif de toute condamnation en comblement de passif.

La Cour de cassation en profite par ailleurs pour préciser que la nouvelle disposition concerne les procédures collectives ainsi que les instances en responsabilité en cours, afin d’éviter toute divergence d’interprétation des notions de procédure et d’instance : quoi qu’il advienne, le juge doit appliquer immédiatement la loi nouvelle, comme l’a fait la Cour d’appel, saisie du litige juste après l’adoption de la loi Sapin II, et alors que la décision du tribunal de commerce avait été rendue avant l’adoption de ladite loi.

Par cette décision, la Cour de cassation se place dans la mouvance actuelle de favorisation du « rebond » du dirigeant dont la société a fait faillite, pour peu que ce dirigeant soit « honnête » et n’ait contribué à l’insuffisance d’actif de sa société que par simple négligence.