04/02/2019

Opérations de crédit – taux d’intérêts négatif

CA Besançon, 1ère ch. civ. et com., 10 juillet 2018, No. 17/01227

CA Chambéry, 2ème ch., 20 septembre 2018, Nos. 16/02665, 16/02667 et 16/02668

 

Les Cours d’appel de Chambéry et de Besançon, par leurs décisions, développent les réflexions quant aux taux d’intérêts négatifs des indices de référence des marchés monétaires (LIBOR, EURIBOR) et aux contentieux qui en découlent.

La Cour d’appel de Chambéry entend faire une application mécanique de l’indice de référence, à la hausse ou à la baisse, sans considération pour la nature juridique intrinsèque du prêt à intérêts, alors que la Cour d’appel de Besançon, pour sa part, développe l’idée suivante : si le taux peut varier en dessous de zéro (0) au profit de l’emprunteur, ce taux ne peut en revanche être inférieur à zéro (0) sur la durée totale des obligations de l’emprunteur.

Ces solutions ne sauraient toutefois être considérées comme satisfaisantes. Trois conceptions s’affrontent en effet :

  a. première conception – il s’agit de celle du zéro (0) absolu, selon laquelle un taux d’intérêts ne peut jamais être inférieur à zéro (0) ;

  b. deuxième conception – il s’agit de celle du zéro (0) augmenté de la marge, selon laquelle le taux d’intérêts ne saurait jamais être inférieur à la marge du prêteur ; et

  c. troisième conception – il s’agit de celle du zéro (0) relatif, selon laquelle un indice négatif doit profiter à plein pour l’emprunteur, celui-ci pouvant même potentiellement devenir créancier du prêteur. C’est cette conception qui est retenue par les arrêts examinés, avec certaines variantes toutefois : (i) soit l’indice négatif doit profiter à plein pour l’emprunteur, sans aucune limite, (ii) soit l’indice négatif doit profiter à l’emprunteur dans la limite toutefois du montant total des intérêts dus au prêteur, ledit montant total ne pouvant être négatif.

Il ressort des stipulations de l’article 1892 du Code civil que le capital mis à la disposition de l’emprunteur par le prêteur doit être intégralement restitué au prêteur. Cette condition de restitution vient à l’encontre de la conception du zéro (0) relatif, sans aucune limite.

Par ailleurs, doit-il être admis que le prêteur puisse être admis, même temporairement, à verser des intérêts négatifs à son emprunteur ? Selon une partie de la doctrine, dans un prêt à intérêts, ces derniers constituent la rémunération du prêteur, contrepartie à la mise à disposition de fonds. L’indice devenant négatif, l’emprunteur pourrait en recevoir les fruits alors qu’il n’a rendu aucun service au prêteur. Cette position ne tient toutefois pas compte des éventuelles commissions reçues par le prêteur dans le cadre de l’opération, lesquelles peuvent par exemple rémunérer l’arrangement ou l’engagement.

Enfin, ce qui précède ne règle pas la question soulevée par la deuxième conception évoquée plus haut, selon laquelle le taux d’intérêts ne saurait jamais être inférieur à la marge du prêteur. Les récentes décisions ne retiennent pas cette conception, au motif que la marge commerciale n’aurait pas été formellement contractualisée. Ces décisions transforment donc alors des transactions commerciales en quasi bénévolat. Il eut donc été préférable de clairement préciser, au moment de l’établissement des documentations litigieuses, le caractère commercial de ladite marge et d’obtenir ainsi l’approbation de l’emprunteur sur ce sujet.