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30/11/2017

#NOVEMBRE 2017 – DROIT DES SOCIETES

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La rémunération du dirigeant lui est due même en cas de longue absence pour maladie tant que sa révocation n’est pas décidée par la collectivité des associés

Faits

Postérieurement à la cession de ses parts détenues dans le capital d’une SELARL (forme libérale de la SARL), l’ancien associé et cogérant de ladite SELARL l’assigne en paiement de diverses sommes dont des indemnités de gérance dues au titre de ses fonctions de cogérant pour les mois de janvier et février 2006, et ce en dépit de son absence pour maladie durant cette période.

Procédure

Contrairement à la juridiction de premier degré, la cour d’appel rejette la demande en paiement de l’ancien associé cogérant au motif que l’indemnité de gérance fixée par décisions collectives des associés doit correspondre à un travail réalisé pour la société, ce que n’avait pas pu faire le cogérant du fait de son absence pour maladie.

La Cour de cassation, sous le visa de l’article 233-18 du Code de commerce (qui régit la gérance à l’exclusion de sa rémunération), casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que la rémunération des gérants des SARL, fixée soit par les statuts soit par une décision collective des associés, est due tant qu’aucune décision la révoquant n’est intervenue.

Analyse

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cet arrêt du 21 juin 2017 (pourvoi numéro n°15-19593).

Notons d’abord que la décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation vient confirmer un principe dégagé par la jurisprudence (précédemment Cass. Com 25 sept. 2012), selon lequel la rémunération des gérants doit être fixée par les statuts ou par décisions collectives des associés, en l’absence de texte encadrant leur rémunération. Toutefois, il est plus prudent que cette tâche revienne aux associés afin d’éviter la modification des statuts et des formalités de publication de ses statuts modifiés au greffe du tribunal de commerce, à chaque modification de la rémunération.

Ensuite, elle reconnait aux associés le pouvoir de prendre toute décision sur la révocation de cette rémunération ou sa modification face à une situation qui ne justifie plus son versement. Dès lors, les associés pourraient fixer les conditions de versement de cette rémunération en la liant tant au mandat social qu’à la réalisation du travail effectué au titre de ce mandat.

Enfin, la Cour de cassation affirme que la rémunération du dirigeant d’une SARL est indépendante de tout « travail » effectif réalisé au profit de la société et que l’absence prolongée, notamment pour maladie, ne remet pas en cause le paiement de sa rémunération fixée par les associés ou les statuts. Elle considère ainsi que cette rémunération est due à raison du seul mandat social.

On notera que cet arrêt, publié au Bulletin de la Cour de cassation, a vocation à s’appliquer à tous les mandataires sociaux.

Le cessionnaire d’actions, qui se substitue à un tiers dans le cadre de son acquisition, et s’engage à garantir le paiement de ce dernier, n’est pas une caution mais un codébiteur solidaire

Faits

Aux termes d’une convention, deux sociétés (les sociétés cédantes A et B) ont cédé la totalité des titres d’une troisième société (la société C) à une personne physique (le cessionnaire principal), avec faculté de substitution. La convention prévoyait qu’en cas de substitution, le cessionnaire principal resterait néanmoins garant de la bonne exécution de la convention et serait solidaire du paiement du prix des actions et du compte courant.

Le cessionnaire principal faisant usage de sa faculté de substitution, permet à une autre société (le cessionnaire substitué) d’acquérir les titres de la société cédante B.

Face à la défaillance du cessionnaire substitué, mis en liquidation judicaire par la suite, les sociétés cédantes A et B, ont assigné le cessionnaire principal en paiement des sommes dues par le cessionnaire substitué.

Procédure

La cour d’appel, saisie par les sociétés cédantes A et B à la suite du rejet de leur demande de paiement, condamne le cessionnaire principal à leur régler, au titre de son engagement de garantie solidaire, la somme due par le cessionnaire substitué. Elle considérait que le cessionnaire principal s’était engagé personnellement et solidairement en tant que codébiteur du cessionnaire substitué, et non en tant que caution.

Le cessionnaire principal et la société C ont formé pourvoi, considérant que les caractères personnels et solidaires de l’engagement pris aux termes de la convention par le cessionnaire principal n’étaient pas exclusifs de la qualification de cautionnement, alors que la cour d’appel avait jugé que l’engagement du cessionnaire principal ne remplissait pas les conditions nécessaires à la validité d’un engagement de caution. La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté du 8 juin 2017 (pourvoi numéro 15-28438), a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel, au motif que le cessionnaire principal ne s’était pas engagé à payer la dette du cessionnaire substitué, mais bien à assumer son propre engagement, de sorte que son engagement personnel ne revêtait pas un caractère accessoire, et de ce fait n’était pas soumis aux règles du cautionnement. Le cessionnaire principal devait donc régler les sommes dues sans pouvoir bénéficier du régime protecteur du cautionnement.

Sauf stipulation contraire des statuts, la démission d’un dirigeant est un acte juridique unilatéral qui ne nécessite aucune acceptation de la part de la société

Faits

Au cours d’une assemblée générale extraordinaire, le gérant d’une SARL démissionne de ses fonctions. Estimant que cette assemblée avait été irrégulièrement convoquée, le gérant et l’associé majoritaire assignent la SARL et les autres associés, d’une part en annulation de cette assemblée et des actes subséquents (dont sa démission), et d’autre part en paiement de dommages et intérêts.

Procédure

Les juges du fond prononcent la nullité de la démission du gérant de ses fonctions, considérant qu’il l’a donnée au cours d’une assemblée irrégulière, annulée par la suite, comme les actes subséquents, en l’occurrence la démission.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel pour violation de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, au motif que sauf stipulation contraire des statuts, la démission d’un dirigeant de société, qui constitue un acte juridique unilatéral, produit tous ses effets dès lors qu’elle a été portée à la connaissance de la société, qu’elle ne nécessite aucune acceptation de la part de celle-ci et ne peut faire l’objet d’aucune rétractation ; son auteur pouvant seulement en contester la validité en démontrant que sa volonté n’a pas été libre et éclairée.

Analyse

Par sa décision du 8 juin 2017 (pourvoi numéro 14-29618), la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence constante (notamment Cass. Com. 22 février 2005) en rappelant que la démission d’un dirigeant est un acte unilatéral pour laquelle tout acceptation est inutile et toute rétractation est impossible.

La Cour de cassation n’a pas souhaité conditionner la démission d’un dirigeant à l’acceptation de ses associés. Cela aboutirait, en cas de refus, à maintenir un dirigeant dans une fonction qu’il ne souhaite plus exercer, avec tous les risques que ce maintien forcé peut impliquer pour l’activité de la société.

La Cour admet cependant une exception en laissant la possibilité aux associés de fixer les modalités de la démission de leurs dirigeants dans les statuts. Une attention particulière doit donc être portée à la rédaction des statuts qui pourraient reprendre la mention couramment insérée dans la lettre de démission comme suit : «la démission du dirigeant ne prendra effet qu’à compter de la nomination par les associés de son remplaçant».