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25/01/2023

Action en garantie décennale : l’absence de qualité pour agir de l’usufruitier

Cass. 3e civ, 16 novembre 2022, n°21-23.505

L’usufruitier, bien que titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire. A cet effet, il n’a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si l’usufruitier, lorsqu’il a lui-même commandé la réalisation des travaux, a qualité pour agir en réparation des désordres.

En pratique, une société, en sa qualité d’usufruitière d’un bâtiment à usage commercial, a conclu un contrat d’entreprise aux fins de réalisation de travaux. Invoquant l’existence de désordres, l’usufruitier assigne l’entreprise cocontractante et son assurance en responsabilité décennale et sollicite l’indemnisation des préjudices consécutifs à la mauvaise exécution du contrat.

La Cour d’appel déboute l’usufruitier pour absence de qualité à agir car seul le propriétaire peut agir sur le fondement de la garantie décennale et le déclare également sans qualité pour agir à l’encontre de sa cocontractante.

La Cour de cassation relève que l’usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance.

Toutefois, la Cour de cassation n’exclut pas totalement la possibilité pour l’usufruitier d’agir sur le fondement de la garantie décennale lorsque celui-ci a été mandaté par le nu-propriétaire.

L’usufruitier peut néanmoins agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution du contrat qu’il a conclu pour la construction de l’ouvrage, y compris les dommages affectant l’ouvrage.

Pour aller plus loin :

La solution peut paraître surprenante mais la Cour de cassation ne fait que confirmer sa jurisprudence antérieure.

En effet, elle avait déjà considéré que le locataire, qui n’est titulaire que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont il n’a pas la propriété, ne peut se prévaloir de la qualité de maître de l’ouvrage et ne dispose donc pas de l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance (Cass. 3e civ, 1er juillet 2009, n°08-14.714).

En revanche, dans cet arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation ne répond pas à la question de savoir si l’usufruitier commanditaire des travaux peut être qualifié de maître de l’ouvrage.

A supposer que l’usufruitier puisse avoir cette qualification, il ne pourrait agir sur le fondement de la garantie décennale car il n’est pas propriétaire de l’ouvrage. Dans ce cas, l’usufruitier devrait plutôt être qualifié de « donneur d’ordre », ce qui correspond davantage à l’action sur le fondement de la responsabilité de droit commun qui lui est offerte.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2022, 21-23.505, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 juillet 2009, 08-14.714, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)