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11/07/2023

Fédération Française de Rugby : Retour sur l’élection du nouveau président et ses conséquences politiques

« Quand on perd un match, ce n’est jamais très agréable mais ce que je retiens, c’est la participation. Les clubs ont voté massivement et ont fait un choix : ils ont choisi un président en cohabitation.«  

Patrick Buisson (AFP)

Après les déboires judiciaires de Bernard Laporte, et son éviction de la tête de la Fédération Française de Rugby (FFR), l’élection de Florian Grill à la tête de celle-ci, mi-juin, pose plus de questions qu’elle n’en résout.

Opposé à Patrick Buisson, Florian Grill a été élu le mercredi 14 juin, jusqu’à fin 2024, après avoir obtenu 58,14% des voix en sa faveur, contre 41,86% pour son opposant, proche de Bernard Laporte.

Ce vote est le fruit d’une consultation à l’échelle nationale. L’ensemble des clubs du territoire était amené à voter pour cette élection. Selon la Fédération, la participation fut élevée, puisque l’ensemble les clubs ayant voté représentait 95,47% des voix. Il succède ainsi à Alexandre Martinez, qui occupait le poste par intérim depuis le 3 février dernier.

Avant d’observer les conséquences de cette élection, il est nécessaire de rappeler les règles de fonctionnement de la Fédération Française de rugby.

I. Le fonctionnement des élections et des organes de la FFR

  1. Le Bureau Fédéral

Si nous observons les statuts et règlement intérieur de la FFR, à jour pour la saison 2023-2024, le bureau fédéral, organe exécutif, est composé de 12 membres qui sont issus du comité directeur, et qui sont élus à la majorité absolue par ce dernier, à la suite de la proposition du président d’une liste unique bloquée.

Les attributions du bureau sont diverses :

« Sa mission est :

  • D’étudier si nécessaire avec l’aide des commissions fédérales et des services administratifs toutes questions qui devront être soumises à la décision du Comité Directeur et devant lequel elles seront présentées avec tous les éléments utiles à la prise de décision.
  • De traiter de lui-même les questions dont l’importance ne justifie pas l’intervention du Comité Directeur ou celles dont l’urgence ne permet pas d’attendre la prochaine réunion du Comité Directeur.
  • Dans ce cas, il appartient au Bureau de rendre compte au Comité Directeur des décisions qu’il a été amené à prendre, pour les voir entérinées.
  • De contrôler l’application des décisions prises, soit par le Comité Directeur, soit par lui-même.
  • De traiter toutes questions à la demande du Comité Directeur. »

Nous l’observons, le bureau fédéral fait office d’exécutif, il traite les questions courantes ou urgentes, en rendant compte au comité fédéral, et surtout prépare le travail du comité.

  1. Le comité directeur

Le Comité directeur est bâti à l’image d’une assemblée. Il possède 37 sièges et offre une représentation complète des clubs.

Les 37 membres sont élus pour une durée de 4 ans par l’Assemblée Générale des clubs. Cette élection est réalisée par liste, et les 37 premiers noms sortants sont élus. Ces 37 noms sont complétés par trois élus désignés par Ligue nationale de rugby.

Par ailleurs, il est possible de tenir une élection partielle pour les membres démissionnant du Comité, ou de remettre aux voix les sièges par une décision de l’Assemblée générale convoquée par le tiers de ses membres.

Une fois élu, et le bureau fédéral validé, les attributions du comité sont :

« [Il] anime et dirige les actions concourant à la poursuite des buts de la Fédération, tels que définis au titre 3 de ses statuts, en :

  • Approuvant les objectifs, les plans d’actions, les politiques, les budgets, les structures de chaque secteur de la F.F.R. au titre de chaque saison sportive ;
  • Contrôlant les mises en œuvre de ces prévisions et en faisant rectifier leurs applications si nécessaire ;
  • Dressant un bilan des actions et des réalisations budgétaires par rapport aux prévisions, en identifiant les causes de tous les écarts significatifs éventuellement constatés en fin de saison »

Des statuts de la fédération, nous en déduisons que le bureau est dépendant de la validation de ses actions par le comité fédéral, comme de son budget.

II. Les conséquences de l’élection dans les rapports institutionnels

Antérieurement à son élection en tant que président, Florian Grill et sa liste étaient déjà vainqueurs d’une élection partielle du comité directeur, portant le nombre de ses représentants à 11 sièges sur les douze proposés. La liste sortante de Bernard Laporte ne remportant qu’un seul siège. Cette élection partielle avait été organisée à la suite des démissions des oppositions, conséquence de la révélation des infractions de Bernard Laporte.

Ainsi, bien que double vainqueur des élections fédérales (du Comité, et de la Présidence), les équipes déjà installées sous l’ancienne présidence possèdent toujours la majorité de 29 sièges. Sur les 40 élus, la liste de Florian Grill ne dispose que de 11 sièges.

Par conséquent, le nouveau président devra travailler main dans la main avec les élus d’oppositions au sein du Comité Fédéral, souvent d’anciens ou actuels proches de Bernard Laporte.

Le bureau fédéral est également morcelé puisqu’il est actuellement composé de 12 membres avec 7 élus venus d’Ovale Ensemble et 5 issus de l’ancienne majorité. Le nouveau patron de la FFR aura comme bras droit, l’ancien trésorier et président intérimaire Alexandre Martinez. Membre de l’équipe précédente, ce dernier occupera les fonctions de président délégué et aura également la charge du suivi de la Coupe du monde.

En complément à ces soucis de politique interne, Florian Grill fait face à une perte d’exploitation de 13 millions d’euros, et cherche à augmenter son budget de 3 millions. Il doit donc s’accorder avec le comité directeur pour obtenir un financement de seize millions d’euros au total.

III. Les premières semaines du président : une cohabitation sans tumulte

Tel que présenté, le pouvoir du comité est donc très important face au bureau fédéral et Florian Grill pourrait être rapidement bloqué dans ses actions. Il restera au président de la fédération une dernière option, celle de convoquer une assemblée générale extraordinaire et de dissoudre le comité fédéral en accord avec les statuts afin d’asseoir sa majorité.

Il semble que la présidence de Florian Grill débute sous les hospices d’une collaboration constructive, en témoigne l’adoption à l’unanimité du comité du nouveau fabriquant des maillots des équipes de France. Le président rappelait par ailleurs, à juste titre, qu’il avait voté en faveur de 80% des mesures de l’ancienne majorité.

Reste à déterminer comment les groupes réagiront en cas d’oppositions. Surtout, nous veillerons avec attention au fonctionnement de la charnière Grill-Martinez.

Prochaine étape, la Coupe du Monde 2023.