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28/07/2021

Newsletter Droit des sociétés, fusions & acquisitions – Juillet 2021


Pas de nullité automatique pour les actions « auto-détenues » irrégulièrement par une société

Cass. Com. 12 mai 2021 n°19-17.566

Pour rappel, les actions auto-détenues par une société par actions en violation des articles L.225-206 à L.225-208 et L.225-210 du Code de commerce (interdisant notamment la détention par la société de plus de 10 % de ses propres actions) doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. A l’expiration de ce délai, ces actions doivent être annulées (article L.225-214 du Code de commerce).

En l’espèce, plus d’un an après avoir acquis ses propres actions, une société anonyme les cède à sa société mère qui avait financé cette acquisition par une augmentation de capital. Des sociétés proposées par l’un des associés n’ont pu participer à cette augmentation de capital faute d’avoir été agréées. Ce dernier conteste alors, sur le fondement de l’article L.225-214 du Code de commerce, la validité de cette cession, et de l’augmentation de capital subséquente, au motif que le délai d’un an pendant lequel la société aurait du les céder ayant expiré celles-ci devaient être annulées de plein droit de sorte que leur cession au-delà de ce délai était illicite.

La Cour de cassation ne retient pas cette analyse et relève que les actions litigieuses n’avaient pas été annulées par l’assemblée générale de la filiale, de sorte qu’elles pouvaient être cédées à la société mère, dont l’augmentation de capital n’était, dès lors, pas non plus illicite. Lorsque les actions n’ont pas fait l’objet d’une annulation par l’assemblée générale extraordinaire, seule compétente dans la SA pour prendre cette décision et réduire corrélativement le capital social, ces actions existent encore et peuvent faire l’objet d’une cession.

En conséquence, la détention irrégulière d’actions auto-détenues par une société n’est pas sanctionnée par une nullité automatique. Seul un vote de l’assemblée générale de la société peut prononcer l’annulation de ces actions.


Cessation de plein droit du mandat de Président de SAS arrivé à échéance

Cass. Com. 17 mars 2021 n°19-14525

Une personne physique est nommée président d’une SAS pour une durée de trois ans. Les statuts de la société prévoient que la révocation du président ne peut intervenir que pour motif grave. A l’échéance du mandat, l’assemblée générale ne se prononce pas sur son renouvellement de sorte que le président reste en fonction. L’année suivante, l’assemblée générale décide de mettre fin à ses fonctions. Le dirigeant soutient avoir fait l’objet d’une révocation fautive et que cette mesure était intervenue dans des conditions brutales et vexatoires. Le Président assigne alors la société en paiement de l’indemnité statutaire et de dommages-intérêts.  

La chambre commerciale affirme dans cet arrêt que lorsque le président d’une SAS a été nommé pour une durée déterminée, la survenance du terme entraine, à défaut de renouvellement exprès, la cessation de plein droit de ce mandat. Le président qui, malgré la survenance du terme, continue d’exercer ses fonctions ne peut donc pas se prévaloir d’une reconduction tacite desdites fonctions et devient alors un dirigeant de fait qui, à l’égard de la société, ne peut revendiquer les garanties dont bénéficie le seul dirigeant de droit.

La cour de cassation n’exclut cependant pas que la décision de révocation du dirigeant de fait puisse être vexatoire et ouvrir ainsi droit à réparation mais en l’espèce les faits ne permettaient pas de caractériser des conditions de révocation brutales et vexatoires.


Précisions sur l’élargissement du champ des bénéficiaires et sociétés étrangères pouvant émettre des BSPCE

Emission de BSPCE aux mandataires sociaux

Depuis le 23 mai 2019, date d’entrée en vigueur de la loi Pacte n°2019-486 du 22 mai 2019, le champ des bénéficiaires de BSPCE a été élargi aux membres du conseil d’administration, aux membres du conseil de surveillance d’une société anonyme ainsi qu’à tout organe statutaire équivalent dans les SAS.

L’administration fiscale a précisé, le 3 février 2021 au BOI-RSA-ES-20-40, la notion « d’organe statutaire équivalent dans les SAS ». Pour déterminer les mandataires sociaux de SAS susceptibles de se voir attribuer des BSPCE, il convient de se référer aux statuts de la société et de vérifier si le fonctionnement, les missions et les pouvoirs de l’organe concerné sont similaires à ceux du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société anonyme prévus par le code de commerce. En particulier, l’organe statutaire doit notamment avoir le même pouvoir de nommer ou révoquer les dirigeants que celui d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance.

Les membres de comités institués dans un pacte d’associés d’une SAS et/ou qui ne seraient investis que d’une fonction purement consultative au détriment d’un véritable pouvoir de contrôle ne semblent donc pas pouvoir se voir attribuer des BSPCE.

Emission de BSPCE par les sociétés étrangères

Depuis le 1er janvier 2020, les sociétés étrangères dont le siège est établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale peuvent, sous certaines conditions, attribuer des BSPCE à leurs employés en France (article 11 de la loi 2019-1479 du 28 décembre 2019).

L’administration fiscale a apporté quelques précisions, le 3 février 2021 au BOI-RSA-ES-20-40, sur :

  • la preuve de l’âge de la société : en l’absence de registre équivalent au RCS, la société étrangère doit être en mesure de fournir des éléments de preuve pertinents justifiant qu’elle a été créée depuis moins de 15 ans. Cette preuve peut être apportée par sa date de constitution telle que figurant dans les statuts de la société authentifiés ou enregistrés auprès de l’administration concernée ;
  • le régime d’imposition de la société étrangère : la société étrangère doit être passible dans l’Etat ou le territoire où se situe son siège d’un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés français. En revanche, les sociétés étrangères qui entrent dans le champ d’application de cet impôt équivalent mais qui en sont exonérées totalement ou partiellement de façon permanente par une disposition particulière ne remplissent pas cette condition. A contrario, les sociétés étrangères exonérées de cet impôt équivalent de manière temporaire restent éligibles.
Pacte d’actionnaires à durée déterminée

CA Paris 15 décembre 2020 n°20/00220

Un pacte d’actionnaires est conclu pour la durée de la société, fixée dans les statuts à 99 ans. Le pacte prévoit qu’il se terminerait de plein droit et par anticipation à l’égard de tout associé ayant cessé de détenir une ou des actions de la SAS et qu’en toute hypothèse les conventions signées en exécution ou à l’occasion du pacte continueraient à s’appliquer conformément à leurs termes et conditions. Quelques années plus tard, l’associé minoritaire indique à ses cocontractants qu’il ne souhaitait pas renouveler après son terme le contrat de conseil conclu pour une durée de 4 ans. L’associé majoritaire lui notifie la résiliation du pacte.

La Cour d’appel de Paris affirme dans cet arrêt qu’un pacte d’actionnaires conclu pour la durée de la société est à durée déterminée de sorte que sa résiliation unilatérale est irrégulière.

Selon la Cour d’appel, il résulte de la stipulation expresse d’une clause de durée dans le pacte et de sa référence à la durée de la société que les parties ont voulu donner un terme précis à leurs engagements. En l’absence de mention expresse prévue en ce sens, la prorogation éventuelle de la société ne pourrait avoir pour effet d’entrainer la prorogation du pacte. La cour précise enfin que la durée statutaire de 99 ans n’apparaît pas excessive s’agissant d’actionnaires personnes morales et qu’une telle durée ne contrevient pas à la prohibition des engagements perpétuels.