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09/06/2021

Newsletter Droit fiscal – Juin 2021

Quelles sont les conséquences fiscales du Brexit ?

Le 1er janvier 2021 a marqué la fin de la période de transition (1er février – 31 décembre 2020) au cours de laquelle le droit de l’Union Européenne continuait de s’appliquer au Royaume-Uni.

Un accord de commerce et de coopération signé le 30 décembre 2020 et approuvé par le Parlement britannique est entré en application le 1er janvier 2021.

Depuis cette date, le Royaume-Uni est considéré comme un pays tiers à l’Union Européenne.

Cette sortie de l’Union Européenne n’est pas sans conséquence sur le plan fiscal comme nous l’avons déjà exposé dans l’article « Quelles seraient les conséquences fiscales d’un Brexit dur au 31 octobre 2019 ? »

Le 11 mars 2021, l’administration fiscale a publié au Bofip ses commentaires relatifs aux conséquences fiscales du Brexit.

Les principales incidences fiscales pour les entreprises françaises et britanniques sont les suivantes :

  • TVA 

Le Royaume-Uni est désormais considéré comme un pays tiers. Par conséquent, les ventes de biens et de services en provenance ou à destination du Royaume Uni sont considérées comme des importations et exportations, et non comme des livraisons et des acquisitions intracommunautaires. Ce type de transactions nécessite le dépôt de déclarations spécifiques auprès de l’administration des douanes et droits indirects au moment de l’importation ou de l’exportation des biens. Les mentions sur les factures se trouvent également modifiées.

Les marchandises expédiées ou transportées à destination du Royaume-Uni sont exonérées de TVA.

Les entreprises important et exportant des marchandises du Royaume-Uni doivent obtenir un EORI (Economic Operator Registration and Identification) et s’immatriculer suivant les règles britanniques.

Les entreprises françaises qui ne réalisent pas d’opération imposable au Royaume-Uni peuvent solliciter un remboursement de la TVA auprès de l’administration fiscale britannique selon les règles fiscales locales.

La plateforme du mini-guichet (MOSS) n’est plus applicable depuis le 31 décembre 2020.

  • Intégration fiscale – Principe (BOI-INT-DG-15-20
  • Dans le cadre d’une intégration dite « verticale », il est possible pour une société française d’intégrer un groupe fiscal lorsqu’elle est détenue par l’intermédiaire d’une société située dans l’UE ou l’EEE (société intermédiaire), qui elle-même est détenue à 95% au moins par la société mère. À la suite du Brexit et dès l’ouverture de l’exercice au cours duquel cet évènement est intervenu (à compter du 1er janvier 2021), les filiales françaises détenues par une société française tête de groupe au travers de sociétés britanniques sont exclues du groupe d’intégration fiscale.
  • Il est également possible de constituer un groupe d’intégration fiscale dit « horizontal ». Ce type d’intégration permet notamment de former un groupe fiscal entre sociétés sœurs établies en France dont la société mère commune (entité mère non-résidente) est établie dans un autre État membre de l’UE ou l’EEE, sous réserve que cette mère remplisse certaines conditions. Du fait du Brexit, les sociétés mères britanniques perdent leur qualité d’entité mère non-résidente et par conséquent le groupe fiscal horizontal cesse.
  • Régime mère fille (BOI-INT-DG-15-20)
  • Distributions en provenance du Royaume-Uni

Le régime mère-fille, qui prévoit l’exonération des produits de participations remplissant certaines conditions, n’étant pas conditionné à l’établissement de la filiale distributrice dans l’Union européenne, la société mère française recevant des produits d’une filiale britannique ne sera pas privée du bénéfice de ce régime du seul fait du Brexit.

Toutefois, l’imposition de la quote-part de frais et charges à hauteur de 1% ne sera plus possible sauf pour les produits perçus au cours des exercices ouverts avant le 31 décembre 2020.

Ensuite, les produits de participation éligibles au régime mère-fille provenant de filiales établies au Royaume-Uni donneront lieu à l’application d’une quote-part de frais et charges de 5%.

  • Retenue à la source (BOI-INT-DG-15-20)
  • Distributions à destination du Royaume-Uni

Les sociétés britanniques ne pourront plus bénéficier de l’exonération de retenue à la source sur les dividendes de source française prévue sous condition d’un seuil de détention minimale de 10% (ou 5% du capital si la société mère anglaise ne peut imputer la retenue à la source sur son impôt sur les sociétés).

Cependant, l’administration fiscale indique que cette exonération de retenue à la source applicable durant la période de transition s’applique aux distributions mises en paiement avant le 31 décembre 2020 (sous réserve des autres conditions prévues par l’article 119 ter du code général des impôts).

Ensuite, deux cas sont à distinguer :

  • Dans le cas où les dividendes seraient versés par une entreprise française à une société britannique qui détient, directement ou indirectement, moins de 10% du capital de l’entreprise française, le taux de retenue à la source ne pourra excéder 15% en application de la convention entre la France et le Royaume-Uni,
  • Dans le cas où les dividendes seraient versés par une entreprise française qui détient, directement ou indirectement, au moins 10% du capital de l’entreprise française, aucune retenue à la source ne sera due en France en application de la convention entre la France et le Royaume-Uni.
  • Intérêts et redevances

Quel que soit le sens du versement, les intérêts et redevances sont exonérés de retenues à la source en application de la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni.

La sortie du Royaume-Uni de l’UE aura également des conséquences pour les particuliers :

  • Prélèvements sociaux :

Depuis le 1er janvier 2019, les personnes qui relèvent d’un régime de sécurité sociale d’un autre État membre de l’EEE ou de la Suisse sont exonérés de CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement et ne sont redevables que du prélèvement de solidarité au taux de 7,5%.

A compter du 1er janvier 2021, les résidents britanniques ne bénéficieront plus de cette exonération et seront par conséquent, soumis aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2% sur leur revenu du patrimoine et les produits de placement.

  • PEA (BOI-INT-DG-15-10)

Le Plan épargne en actions est réservé aux titres de sociétés ayant leur siège dans un Etat de l’UE ou de l’Espace Economique européen et aux parts ou actions d’organismes de placements collectifs dont l’actif est investi à plus de 75% en titres de sociétés européennes.

Depuis le 1er janvier 2021, les titres émis par des sociétés dont le siège est situé au Royaume-Uni ne sont plus éligibles au PEA.

A titre transitoire, il est admis que les titres acquis avant le 31 décembre 2020 dans le cadre des PEA peuvent continuer de bénéficier de l’avantage pendant neuf mois à compter du 1er janvier 2021.

Cette période de tolérance de 9 mois laisse au titulaire du plan le temps nécessaire pour retirer les titres du plan ou les céder avec les conséquences fiscales qui s’y attachent.

  • Réduction d’impôt liée à la souscription au capital de PME (BOI-INT-DG-15-10 n°300)

Les souscriptions en numéraire au capital de PME par des personnes physiques ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu à condition que la société bénéficiaire ait son siège de direction effective dans un Etat de l’UE ou de l’EEE.

Cette condition de localisation du siège doit être satisfaite de façon continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, le non-respect de cette condition entraînant la reprise de l’avantage obtenu.

Cependant, l’administration fiscale admet qu’en cas de conservation, pendant le délai de 5 ans, des titres ou parts de sociétés ayant leur siège au Royaume-Uni souscrits directement par le contribuable avant le 1er janvier 2021, la réduction n’est pas remise en cause.

A partir du 1er janvier 2021, la souscription de titres ou parts de sociétés britanniques n’ouvre plus droit à réduction d’impôt.

Conclusion

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est loin d’être fiscalement neutre pour les entreprises ainsi que pour les particuliers : pertes d’exonération, sorties de régimes fiscaux de faveur, alourdissement du taux de prélèvements sociaux, …


Confirmation de la possibilité de constituer un groupe d’intégration fiscale avec une filiale acquise le premier jour de l’exercice

Par un rescrit publié le 24 mars 2021 sur le Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RES-IS-000088, l’administration fiscale précise que l’acquisition de plus de 95% du capital d’une société réalisée lors du premier jour de l’exercice (de la société acquise et de la société cessionnaire), permet de constituer dès cet exercice un groupe d’intégration fiscale, toutes autres conditions étant remplies par ailleurs.

Pour rappel, les conditions pour constituer un groupe d’intégration fiscale, définies par l’article 223 A du CGI, sont les suivantes :

  • Les sociétés membres du groupe doivent être soumises à l’impôt sur les sociétés en France ;
  • Les sociétés intégrées doivent ouvrir et clore leurs exercices d’une durée de 12 mois aux mêmes dates ;
  • Le capital social de la société intégrante ne doit pas être détenu à 95 % ou plus, directement ou indirectement, par une autre société ayant son siège social en France et passible de l’impôt sur les sociétés ;
  • Le capital social des filiales membres doit être détenu, directement ou indirectement, à 95 % au moins par la société intégrante, de manière continue tout au long de l’exercice.

Cette dernière condition implique que les sociétés nouvellement acquises par le groupe à 95 % au moins, ou pour lesquelles ce seuil de détention de 95% est atteint en cours d’exercice, ne peuvent être membres du groupe d’intégration fiscale qu’à compter de l’exercice suivant. En effet, la condition de détention de 95% du capital social devant être remplie tout au long de l’exercice, leurs résultats ne pourront ainsi être pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble qu’à compter de l’exercice qui suit celui de leur acquisition.

Toutefois, par mesure de tolérance, l’administration fiscale permettait déjà, dans l’hypothèse où une filiale était cédée le premier jour de l’exercice et que cette cession entraînait sa sortie du groupe d’intégration cédant, que cette filiale puisse entrer dans le groupe d’intégration fiscale dont la société cessionnaire était membre dès l’exercice de réalisation de la cession (étant précisé que l’exercice de l’achat pouvant être le premier exercice d’intégration de la société cessionnaire, laquelle pouvant être société intégrante ou filiale intégrée du groupe –  BOI-IS-GPE-10-20-10 n°200 ).

Le rescrit publié le 24 mars 2021 vient préciser que cet assouplissement doctrinal peut être appliqué à des sociétés n’appartenant à aucun groupe fiscal avant leur acquisition.

En conséquence, toutes autres conditions d’application du régime de groupe étant remplies par ailleurs, la société cessionnaire est ainsi autorisée à constituer, dès l’exercice d’acquisition, un groupe fiscal formé avec la société dont elle détient, au premier jour de l’exercice, 95 % au moins du capital.

A notre sens, ce rescrit devrait également pouvoir permettre l’intégration des filiales de la société acquise détenues directement ou indirectement à plus de 95% par cette dernière, si ces filiales remplissent par ailleurs les autres conditions pour être intégrées.

Nota : Il convient de rappeler que la tolérance administrative susmentionnée permet également, en cas de cession d’une filiale intégrée intervenant le dernier jour d’un exercice, que cette filiale puisse être maintenue dans le groupe d’intégration fiscale au titre de cet exercice sous réserve que toutes les autres conditions pour le bénéfice du régime de groupe soient remplies, et sous la condition de ne pas neutraliser les reprises de provisions constatées au titre de cet exercice (correspondant à des dotations antérieurement neutralisées) constatées par les sociétés membres à raison de cette filiale, ou constatées par cette filiale à raison de sociétés membres du groupe.

BOI-RES-IS-000088


Fiscalité des entreprises – L’émission d’actions à prix minoré n’entraîne pas de rehaussement du profit imposable de la société émettrice

Dans la présente affaire, une société avait émis des actions à bons de souscription d’actions (« ABSA ») dont la valeur avait été acquittée en numéraire. Au terme d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale avait estimé que le prix de souscription de ces ABSA avait été minoré par rapport à leur valeur réelle. En se référant à la jurisprudence applicable en matière de cession à prix minoré, le vérificateur avait considéré que cette minoration constituait un acte anormal de gestion et avait réintégré le montant de cette minoration dans le résultat imposable de la société émettrice. Cette dernière contesta cette rectification.

Par un arrêt du 21 octobre 2020, le Conseil d’Etat a donné raison au contribuable, estimant qu’il convenait de distinguer une telle émission d’ABSA d’autres opérations sur titres telles qu’une cession ou un apport en nature.

Pour mémoire, la jurisprudence en matière d’opération à prix minoré est le plus souvent défavorable au contribuable :

  • S’agissant des cessions de titres à prix minoré :

La valeur d’inscription des titres cédés pour un prix minoré peut être rehaussée par l’administration, conduisant à une augmentation d’actif net imposable pour le cessionnaire

Conseil d’Etat, 3e et 8e ss-sect., 5 janvier 2005, n° 254556, Sté Raffypack

  • S’agissant d’apports en nature :

Si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est pas toutefois le cas lorsque la valeur d’apport des immobilisations, comptabilisée par l’entreprise bénéficiaire de l’apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées à l’entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l’actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit.

Conseil d’Etat, plénière. 9 mai 2018, n° 387071, Sté Cérès

Dans le cas d’espère, le Conseil d’Etat semble donc prendre le contrepied de sa jurisprudence traditionnelle.

Toutefois, selon le juge, cette différence de traitement est justifiée par le fait que, lors d’un apport en numéraire, aucun actif n’est inscrit au bilan de la société bénéficiaire de l’apport, si ce n’est le numéraire correspondant au prix de souscription. Il ne pouvait donc y avoir sous-estimation de la valeur de l’actif reçu, un apport d’argent ne pouvant avoir d’autre valeur que sa valeur nominale.

Par conséquent, en l’absence d’une telle sous-estimation, aucune variation d’actif net ne pouvait être constatée. La rectification du résultat imposable de la société émettrice des ABSA était donc sans fondement.

Compte tenu de l’argumentation développée par le juge, il est légitime de penser que cette position jurisprudentielle sera transposable à tout type d’apports en numéraire, et non pas uniquement aux émissions d’ABSA.

Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 21 octobre 2020, N°429626, SA Elior Groupphi